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Rentrée littéraire

La rentrée littéraire d’hiver vient de s’ouvrir. La petite rentrée ? Les esprits chagrins le pensent. Pas moi. Il y a parmi les 499 romans publiés en janvier et février quelques pépites. Forcément. Parmi ces livres nouveaux, 145 romans français dont 64 premiers. Une aubaine. Pour ouvrir la saison, j’ai cependant décidé de choisir l’auteure Marie Redonnet. Pas une nouvelle venue. Mais une « revenante » si j’ose dire. Après des années de silence, elle est de retour !

TRIO

 

Je l’avais découverte en 2016, grâce au conseil avisé d’une libraire tourangelle avisée ( ne jamais négliger les conseils de ces professionnels !). Marie Redonnet, sexagénaire, publiait alors « La femme au colt 45″. Un roman court, percutant. Détonant. A redécouvrir ici.

Alors j’ai poursuivi la découverte un peu plus loin. L’an dernier,  Le Tripode décidait de publier en un seul volume – « Héritières »–, trois romans publiés il y  a trente ans aux Editions de Minuit. Nouvelle claque. Et c’est par.

Avec « Trio pour un monde égaré », Marie Redonnet confirme qu’elle appartient à un groupe à part. Celui des auteurs qui, de livre en livre, inspecte le moindre recoin de leur univers, autour d’une même thématique. Sans se perdre. Sans nous lasser non plus. Ici, pas de lieu, ni de dates.

Un décor flou pour aller mieux au coeur de la matrice et des personnages. Et la guerre. Toujours. La violence aussi. Et cette quête des personnages, trois rescapés, à sauver leur liberté. De penser et d’agir. Coûte que coûte.

 

 

Dans la postface, une autobiographie inédite de l’auteure, celle-ci explique notamment que ces trois récits sont « souterrainement reliés et inspirés par [sa] vie entre la France et le Maroc ». Trois voix qui émergent « d’un monde déréglé par la guerre et les massacres ». 

L’histoire ? Il y en a trois.  Qui s’intercalent. Qui se répondent. D’abord Willy Chow. C’est un ancien rebelle qui vit dans une bergerie entre la mer et les collines. Il tente d’oublier un passé trouble, mais la guerre fait à nouveau rage à la frontière et menace la paix de son domaine…

Il y a aussi le scientifique Douglas Marenko. Qui n’est pas Douglas Marenko. Emprisonné dans une cellule d’un nouveau genre après avoir tenté de fuir son pays, on voudrait pour des raisons qu’il ignore lui faire endosser une nouvelle identité. Il résiste jusqu’à ce que ses geôliers lui présentent une femme censée être son épouse, et qu’il sait avoir connue… Etrange.
Et il y a une femme. Tate Combo. Elle aussi a quitté son pays, après une prophétie de son père qui prédisait la destruction de son village. Elle vit désormais dans la mégapole Low Fow, où un photographe en vogue a décidé d’en faire, à force d’opérations chirurgicales, l’incarnation d’une déesse qu’il vénère. Le jour où elle décide de rompre cette métamorphose imposée, des avions s’écrasent sur les tours de la ville…

Extraits

Pages 30-31 : (Tate Combo) 

« En dépit des analgésiques et des calmants, je souffrais terriblement. J’assistais malgré moi à cette douloureuse métamorphose que Bram Rift photographiait avec ravissement. Je me prêtais à toutes ses demandes comme c’était écrit sur mon contrat. Il me sortait dans les lieux à la mode, il me présentait à ses amis, il se servait de moi à sa guise. J’en éprouvais de la jouissance et je ne pouvais lui résister. C’était plus fort que moi. Mais en secret je le haïssais et rêvais de le tuer Ses photographies me fascinaient. J’étais une jeune africaine à la peau noire et au visage négroïde en train de devenir par la magie de la science médicale une jeune déesse à la blancheur éclatante et aux traits d’une finesse extrême. Mais devenue blanche, ma couleur noire continuait de rayonner. Sur les photos de Bram Rift, elle triomphait alors même qu’elle avait disparu. C’était là ma victoire secrète ! « 

Page 97  : (Willy Chow)

« Moi aussi comme Jimmy Fango j’aime le désert. Je pars seul plusieurs jours. Je marche jusqu’à l’épuisement. Je m’endors enveloppé dans mon sac de couchage en contemplant les étoiles. Parfois le bruit furtif d’une bête qui rôde me réveille et me garde en alerte. Je vais saluer les nomades. Ils me connaissent et m’accueillent comme leur hôte. On échange les nouvelles. Le désert connaît de grands changements et ils n’en sont plus les maîtres. Cette fois, je sens une tension inhabituelle, une inquiétude qu’il n’arrivent pas à dissimuler. Ils n’ont pas envie de prolonger notre rencontre. Ils ne me disent rien de leurs projets. Je ne leur pose pas de questions. Avant de les quitter je leur donne l’accolade de l’amitié comme si je ne devais pas les revoir. »

Pages 127-128 : (Douglas Marenko) 

« Une nuit, réveillé par un cauchemar au cours duquel les yeux bandés je tombais au fond d’un ravin, je la surprends installé à mon bureau en train d’effacer rageusement la mémoire de mon ordinateur et toutes les sauvegardes que j’ai faites de mes plus récents travaux. Comment peut-elle en connaître les codes secrets que je prends soin de changer chaque jour ? Elle me regarde avec mépris. “Tu n’es qu’un imposteur! Je voulais te donner une chance. Quand j’ai appris que tu étais détenu à la prison d’Akuba, j’ai eu pitié de toi. Je suis devenue ta femme pour te sauver. Mais tu n’as rien compris à ce qui arrivait. Rokto Sark a déjoué ta ruse. Sans lui qui me protégeait, j’étais perdue.” »

 « Trio pour un monde égaré », Marie Redonnet, Le Tripode. 

 

 

 

 

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