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Rentrée littéraire/Prix Goncourt

A quelques mois du centenaire de la Grande Guerre, le palmarès, dévoilé le 4 novembre, était sans (grande) surprise.  Pierre Lemaitre, écrivain du roman noir, a remporté le prix Goncourt 2013 avec « Au revoir là-haut« , longue fresque qui commence quelques jours avant la fin de la Première Guerre mondiale. Le roman, déjà un succès de librairie, s’est imposé au terme de douze tours de table des jurés.

COUV LEMAITRE

Un (long)  livre consensuel, bien mené… mais qui peine à démarrer, me semble-t-il. Moi, je l’avais  choisi parce qu’il traite d’un thème que j’aime particulièrement, à savoir la Grande guerre.

L’auteur, Pierre Lemaitre, est enseignant de littérature. La cinquantaine passée, son premier polar est édité. D’autres suivront, souvent primés.

 

 

L’histoire de « Au revoir là-haut » ? C’est celle du retour difficile à la vie civile de deux soldats. Celle de l’illusion de l’armistice. Celle surtout d’une rencontre improbable entre Edouard Péricourt, fils d’un grand-bourgeois de l’industrie et Albert Maillard, comptable. Edouard est fantasque, sacré dessinateur et homosexuel. Albert est gauche, timide, écrasé par sa mère et amoureux transi de Cécile.

Leur point commun ? Le lieutenant Henri d’Aulnay-Pradelle qui les compte tous les deux dans son régiment. A quelques jours de la signature de l’armistice, le destin des deux jeunes hommes bascule à cause du lieutenant.

Au fil des 560 pages, le lecteur plonge dans l’histoire d’une gueule cassée (Edouard qui a choisi de ne pas retourner à sa vie d’avant) et de celui qui va devenir son ami. Les suit dans le montage d’une arnaque scandaleuse, risquée… mais géniale tandis que d’Aulnay-Pradelle, qui a épousé Madeleine Péricourt, la soeur d‘Edouard, imagine aussi une combine des plus malhonnêtes à propos des exhumations militaires  dans les cimetières communs qu’imagine l’Etat.

Mais le pays ne plaisante pas avec ses morts…

Le tout sur fond de disparition volontaire, de conflit familial, de soif de revanche et de reconnaissance, d’opportunisme primaire dans une France qui tente de se reconstruire et de vivre avec ceux qui sont revenus des tranchées.

Extraits

Page 37 : « Le lieutenant d’Aulnay-Pradelle, homme décidé, sauvage et primitif, courait sur le champ de bataille en direction des lignes ennemies avec une détermination de taureau. C’était impressionnant, cette manière de n’avoir peur de rien. En réalité, il n’y avait pas beaucoup de courage là-dedans, moins qu’on pourrait croire. Ce n’était pas qu’il fût spécialement héroïque, mais il avait acquis très vite la conviction qu’il ne mourrait pas ici. Il en était certain, cette guerre n’était pas destinée à le tuer, mais à lui offrir des opportunités.

Dans cette soudaine attaque de la cote 113, sa détermination féroce tenait, bien sûr, à ce qu’il haïssait les Allemands au-delà de toute limite, de manière quasiment métaphysique, mais aussi au fait qu’on s’acheminait vers l’issue et qu’il lui restait très peu de temps pour profiter des chances qu’un conflit comme celui-ci, exemplaire, pouvait prodiguer à un homme comme lui. »

Page 110 : « Bien qu’ils soient déjà liés par une histoire commune dans laquelle chacun avait joué sa vie, les deux hommes ne se connaissaient pas et leur relation était compliquée par un mélange obscur de mauvaise conscience, de solidarité, de ressentiment, d’éloignement et de fraternité. Edouard nourrissait vis-à-vis d’Albert une rancune vague, mais considérablement atténuée par le fait que son camarade lui avait trouvé une identité de rechange lui évitant de rentrer chez lui. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il allait devenir maintenant qu’il n’était plus Edouard Péricourt, mais il préférait n’importe quelle vie à celle dans laquelle il aurait fallu affronter, dans cet état, le regard de son père. »

Page 303 :« Ah, pour ça, songeait Albert, on pouvait reprocher pas mal de choses à Edouard, mais il possédait du génie pour trouver des idées. Surtout pour les catastrophes : le changement d’identité, l’impossibilité de toucher la prime du gouvernement, le refus de rentrer chez lui où il y avait tout le confort, la rébellion contre la greffe, l’accoutumance à la morphine, maintenant son escroquerie aux monuments aux morts… Les idées d’Edouard étaient de véritables pelles à emmerdements. »

Mon avis

Voilà un roman populaire certes mais qui tarde à démarrer. Un (long) roman truffé de personnages secondaires qui s’ajoutent à Albert, Edouard, Madeleine, d’Aulnay-Pradelle, Péricourt et les autres. Un roman qui compte trop de longueurs pour être totalement réussi. Dommage car le sujet de l’immédiat après-guerre est plutôt un bon sujet. Un assez bon moment de lecture malgré tout. Mais, à choisir, je préfère largement « 14 » de Jean Echenoz dont j’ai parlé ici ainsi que « Bleus horizons » de Jérôme Garcin, évoqué sur ce blog.

« Au revoir là-haut », Pierre Lemaitre, Albin Michel, 22,50€.

 

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