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Centenaire oblige, la Première Guerre mondiale sera assurément très un thème « à la mode » l’an prochain. Unsujet qui réunira d’ailleurs  les spécialistes de la question à Blois, à l’automne, pour les Rendez-vous de l’Histoire.

Si ce blog a, à de nombreuses reprises, évoqué le sujets à travers des romans, il ne l’avait jamais fait à travers la plume de Jérôme Garcin. C’est désormais chose faite !

Jean de La Ville de Mirmont

Jean de La Ville de Mirmont

En janvier dernier, celui-ci publiait chez Gallimard,  » Bleus horizons ». L’occasion, au fil d’un roman brillant et bouleversant de plonger dans la vie de Jean de La Ville de Mirmont, un écrivain et poète né à Bordeaux qui, à l’âge de 27 ans en novembre 1914, meurt sur le front de Verneuil, sur le Chemin des Dames. Deux mois seulement après avoir quitté Bordeaux et rejoint son régiment.

Le jeune auteur, intime de François Mauriac, laisse derrière lui un roman  » Les dimanches de Jean Dézert », des contes et un recueil de poèmes « L’horizon chimérique ».

BLEUS-HORIZONS_ouvrageDe ce destin tragique, Jérôme Garcin imagine un roman et invente le personnage de Louis Gémon, qui, devenu camarade de front de Jean va, à son retour à la vie civile, mettre toute son énergie à faire vivre l’oeuvre de son ami. Au point d’en oublier sa propre existence, ses désirs.

Jean et Louis avaient la même appétance pour les mots, la littérature. Louis va, des années durant, mener une enquête sur la vie de son ami, rencontrer l’éditeur Bernard Grasset, le compositeur Gabriel Fauré qui mit ses poèmes en musique mais aussi François Mauriac, qui fut l’ami d’enfance de Jean. Jean était solaire, rêvait de voyages et vouait une dévotion à sa mère, issue de l’artistocratie protestante bordelaise. Louis, lui, est un être plus terne, introverti qui se rêve écrivain.

Rappelons que Jérôme Garcin a entamé, il y a plusieurs années déjà, un travail de mémoire à travers ses romans successifs.

(Photo Catherine Hélie pour Gallimard)

(Photo Catherine Hélie pour Gallimard)

 

Journaliste, producteur et l’animateur de l’émission littéraire « Le Masque et la plume » sur France Inter (depuis 1989), il est directeur adjoint de la rédaction du Nouvel Observateur et est membre du comité de lecture de la Comédie-Française.

Lauréat du prix Médicis en 1994, du prix Roger Nimier en 1998, ainsi que du prix Duménil, Jérôme Garcin  » refuse de laisser les choses mourir une seconde fois » et utilise la littérature pour le faire. Avec « Bleus horizons », comme avec « Olivier », un livre fort, paru en 2011, dans lequel il évoquait la disparition de son frère jumeau Olivier, mort à 6 ans après avoir été renversé par une voiture.

 

L’histoire de son roman, il l’évoque à l’antenne de France info :

Extraits

Pages 19-20 : « Dès que Jean sut mon amour de la littérature, nous sympathisâmes. Un soir, il me confia, d’une voix légèrement chuintante, qu’il écrivait, qu’il venait même de publier son premier roman, Les dimanches de Jean Dézert, et qu’il vous avait laissé par écrit, à vous seule, un ordre testamentaire : “ J’ai un volume de vers tout prêt, l’Horizon chimérique. Tu le trouveras sur la table de ma chambre. Et tu le publieras”. Il me lut ce mot sans se vanter, un peu comme s’il m’informait qu’il s’était fait vacciner contre la variole ou le typhus. Pour ma part, je lui parlai du récit sur mon enfance dont  j’avais déjà rédigé une dizaine de chapitres et de mes lectures de chevet. Nous découvrîmes que nous cherchions la compagnie des mêmes poètes, Baudelaire, Laforgue, Moréas et Jammes. Il me répétait souvent : “ Tu verras, Louis, la guerre nous rendra plus forts. Et nous écrirons mieux après…”  »

Page 71 : « Le 8 septembre 1914, Jean reçut sa feuille de route. Il la baisa, la caressa, la respira. Il pleura aussi, mais de joie en lisant et relisant sa convocation. Car il était attendu, deux jours plus tard, à la caserne de Libourne où il partit avec cette ferveur que mettent les pèlerins à rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle, cette naïveté des enfants qui rentrent chez eux après des vacances en colonie. Le garçon que je rencontrai pour la première fois était heureux et si plein d’idéal qu’on l’eût dit inconscient du danger. Il ressemblait plus à un chevalier des croisades qu’à un soldat et attribuait à la protection de Dieu son invincibilité. Pourtant, il n’avait plus que deux mois à vivre. C’est quoi, deux mois ? Huit semaines, soixante jours, une broutille, un coup de vent, le temps d’un soupir, une éternité. »

Page 194 : « Elle voulait m’attirer vers la lumière, je revenais sans cesse à la grande nuit de 14. Elle était douée pour les éclats de rire, je me complaisais dans les les pleurs secs. Avec le temps, j’ai laissé Jean prendre une place de plus en plus grande dans notre couple. J’ai négligé Constance pour un mort. Et je n’ai pas su écouter ses avertissements. Un matin, elle disparut, emportant avec elle toutes ses affaires. Elle me laissa une lettre sur la table de nuit ».

Mon avis

A travers ce roman, j’ai découvert un auteur qui, comme Alain-Fournier et d’autres, a vu la Grande guerre anéantir sa vie et son talent. Au fil des pages, des mots de Jean de La Ville de Mirmont reprennent vie.  J’ai découvert aussi l’écriture, le style de Jérôme Garcin. Riche et sensible. J’ai beaucoup aimé comment ce dernier décrit la relation qui unit Jean et Louis au-delà de tout. Même de la mort. Louis s’excuse-t-il d’être encore en vie ? Est-ce pour cela qu’il s’oublie pour faire vivre l’oeuvre de Jean ? Un roman touchant, bouleversant. A lire absolument.

« Bleus horizons », de Jérôme Garcin, Gallimard, 16,90€

 

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