Flux pour
Articles
Commentaires

Rentrée littéraire

Nous y sommes ! Deux fois par an, la France est traversée, agitée par la rentrée littéraire. Un phénomène typiquement français qui nous entraîne sur divers continents à travers moult horizons. Cette fois encore, je vais vous présenter quelques-uns de ces nouveaux romans qui m’ont plu. Ou pas.

Pas question de suivre des diktats des chroniqueurs en vue ou les buzz fabriqués par les maisons d’édition… Ici, que des livres choisis à cause d’un titre, d’un auteur… ou d’une quatrième de couv.

Après Marie Darrieussecq, j’ai choisi de vous parler de « La grâce des brigands », le  nouveau roman de Véronique Ovaldé, dont les lecteurs de ce blog ont déjà découvert l’univers ici.

veronique-ovalde_2536470

Photo : AFP photo Gabriel Bouys

 

Véronique Ovaldé est née en 1972. Elle est écrivain et également éditrice chez Points. En 2009, son roman « Ce que je sais de Vera Candida », reçoit le 18e  prix Renaudot des lycéens, mais aussi le prix France Télévisions  et le grand Prix des lectrices de Elle.

 

 

cvt_La-grace-des-brigands_5428

 

L’histoire ? C’est celle de Maria Cristina Väätonen qui a choisi, à 16 ans, de quitter Lapérouse, le grand Nord canadien et sa famille toxique pour vivre son rêve d »écriture sous le soleil de Santa Monica. Jusqu’au jour où sa mère, à qui elle n’a pas parlé depuis dix ans, l’appelle. Il s’agit de « sauver » le petit Peeleete, le fils de sa soeur Meena, entrée dans une secte.

Un narrateur anonyme, et qui le reste jusqu’au bout du roman, nous raconte alors la vie de Maria Cristina. Nous dévoile ses cicatrices, ses blessures et comment l’écriture lui a permis de vivre une nouvelle vie, une autre vie.

Entre un père taciturne, une mère bigote et caractérielle et une soeur diminuée après un accident qui la jalouse, Maria Cristina a préféré fuir. Avant d’écrire un roman autobiographique dans lequel elle règle ses comptes ( et écrit que sa mère et sa soeur sont mortes dans un accident, ce qui est totalement faux!)  et de rencontrer un auteur heroïnomane et dandy qui, tout en attendant de se voir remettre le prix Nobel de littérature, profite du talent de sa protégée.  Et puis il y a Judy Garland, l’homme de confiance de Claramunt qui, sous un nom volé, va permettre à notre héroïne de vivre une belle histoire, bien qu’un peu courte…

Extraits

Pages 40-41 : « […] Elle sait qu’aller jusqu’à Lapérouse va la replonger dans son enfance, qu’elle pourrait considérer ce trajet comme une tentative de réconciliation même si elle se fout de la réconciliation, ou du moins c’est ce dont elle se persuade, elle se fout de parler à sa mère et que celle-ci ait du mal à s’abstenir de lui reprocher son absence à l’enterrement du père, elle se fout de ce que sa mère dira à propos de sa vie en Californie, elle dira, Du moment que tu es heureuse, mais ce sera faux, la mère de Maria Cristina prononcera ces mots parce qu’elle pensera qu’une mère doit les prononcer, la mère de Maria Cristina a sûrement été vexée par le succès de sa fille et ce qui était écrit sur elle dans son premier roman, vexée et sans doute jalouse, puisque la jalousie est bien le nerf de la guerre dans cette famille, elle a été vexée et jalouse si du moins elle a été informée du succès de sa fille, et elle a dû en être informée, il y a la radio et la télévision à Lapérouse, même si Marguerite Richaumont n’écoute que les vêpres à la radio, elle anime d’ailleurs peut-être encore l’émission locale qu’elle présentait par le passé ( Plus près de toi, Seigneur), Lapérouse n’est pas aussi rétrograde qu’elle, la ville a dû suivre plus ou moins le mouvement général et s’intéresser à ce qui se passe au-delà de ses frontières, ses limites se sont faites plus poreuses, quelqu’un a pu arrêter Marguerite Richaumont dans la rue principale de Lapérouse et lui dire, J’ai vue votre fille à la télévision, et Marguerite Richaumont a dû hausser les sourcils, et ensuite elle a fait comme si elle était au courant pour que personne ne mesure l’étendue de leurs dissensions ou elle s’est offusquée de cette information en serrant son cabas contre son ventre et en répondant, Je n’ai pas de fille qui s’appelle Maria Cristina. »

Page 79 : « Maria Cristina avait été un bébé accommodant et silencieux sans doute pour contrebalancer la clameur et les cris poussés par sa soeur depuis sa naissance. Chacun utilise une stratégie à sa portée quand il tombe dans une famille comme celle des Väätonen-Richaumont. Elle devint une petite fille dissimulatrice et discrète. Quand elle ne se battait pas avec sa soeur et n’était pas dans la forêt, elle lisait. Elle allait à la bibliothèque de Lapérouse, prenait des livres qui louaient le Seigneur et les présentait à sa mère quand elle revenait. Au fond de son sac, elle cachait un ou deux romanciers démoniaques qu’elle lut trop tôt, Henry Miller ou Norman Mailer. La littérature passait en fraude dans la maison rose ».

Page 105 : « Au momeny où elle rencontra Claramunt, Maria Cristina, malgré le réconfort que lui apportait sa cohabitation avec Joanne, n’arrivait pas à prendre ce que celle-ci appelait de la hauteur. Prends de la hauteur, lui répétait constamment Joanne en fumant des joints sur le canapé.

Maria Cristina, en quelque sorte, se débattait.

Elle voulait retourner dans la forêt. Elle ne l’aurait avoué pour rien au monde mais c’était là qu’elle voulait aller. C’était le seul recours qu’elle avait jamais eu pour se sentir un peu moins anxieuse.

N’oublions pas que Maria Cristina avait été une petite fille qui, pour trouver le sommeil, mettait en scène son propre enterrement et se délectait de la détresse et des remords de ceux qu’elle laisserait derrière elle. Ce genre de petite fille, quand elle devient grande, se transforme en une personne d’une intranquillité encombrante. »

Mon avis

Véronique Ovaldé a ce talent rare de nous emmener avec elle sans la moindre difficulté. Son écriture, peut-être ici plus introspective mais qui garde encore sa fantaisie, nous entraîne dans le sillage de ses personnages aux profondes cicatrices. Pour la première fois, l’auteure aborde le thème de l’écriture et de ses effets. Un roman savoureux à dévorer dans ces derniers jours d’été au milieu de ces brigands et de leurs mensonges…

« La grâce des brigands », Véronique Ovaldé, les Editions de l’Olivier, 19,50€.

Laisser un commentaire

*