Droit de vote des étranger : « Un outil d’intégration » pour les banlieues



Monté au front sur les cendres des banlieues incendiées pendant les émeutes de 2005, Mohamed Mechmache, président fondateur du collectif AC Le Feu est devenu, à force de pousser les portes, une sorte de porte-parole des banlieues. Huit ans que ce quarantenaire poussé à Clichy-sous-Bois labourre le bitume pour inciter les jeunes à voter pour s’exprimer, plutôt que de brûler des voitures. Pour lui, le droit de vote des étrangers aux élections locales est un outil d’intégration pour une génération laissée pour compte.

Dans son ministère de la crise des banlieues, à Clichy-sous-Bois, AC Le Feu a reçu les candidats pendant la campagne 2012. (Photo NR)

Dans son ministère de la crise des banlieues, à Clichy-sous-Bois, AC Le Feu a reçu les candidats pendant la campagne 2012. (Photo NR)

Le droit de vote des étrangers aux élections locales (engagement 50) est annoncé, et repoussé, depuis 30 ans par les socialistes. Cette fois encore, malgré la promesse ferme de François Hollande durant sa campagne, la réforme semble remise en cause. Ça vous étonne ?

« Honnêtement, je n’y croyais pas. En 1981, François Mitterand avait promis, et il ne l’a pas fait. Rien ne s’est passé depuis. Pendant la campagne de 2012, les socialistes ont remis ça sur le tapis. Ils sont au pouvoir, ils ont la majorité partout, et ils nous expliquent encore qu’ils ne peuvent pas, qu’il faut qu’ils obtiennent le soutien des 3/5e du Parlement.

Pour moi c’est une nouvelle preuve de leur mauvaise volonté. C’était juste une carotte pour séduire l’électorat des quartiers, comme la fin du contrôle au faciès. Parce qu’ils avait besoin de cet électorat pour faire la différence. »

Pourquoi c’est important de permettre au immigrés de longue date de voter ?

« Dans les quartiers, les enfants d’immigrés installés depuis des années en France, qui eux sont né en France et sont Français, sont désintéressés de la politique. Ils voient que leurs parents ne sont pas reconnus, alors qu’ils sont là pour certains depuis des dizaines d’années, qu’ils font partis de cette France. Du coup, il ont du mal eux-mêmes à se sentir reconnus par la République. Le vote des étrangers aux élections locales c’est un outil d’intégration, pour les immigrés comme pour leurs enfants, qui eux sont Français.  »

Depuis les émeutes de 2005, avec AC Le Feu, vous tentez de mobiliser les jeunes des quartiers vers la politique. Ça prend ?

« C’est compliqué. Beaucoup ont l’impression que ça ne sert à rien, ils vont de désillusion en désillusion. De là, nous ont dit « qu’est ce qu’on fait pour changer les choses ? ». On a fait des campagnes de citoyenneté, incité les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales… En 2007 et en 2012, beaucoup ont été voter. L’abstention, c’est un vrai risque. C’est que des gens ne croit plus en rien, qu’ils n’ont plus rien à perdre. En 2005, ils se sont fait entendre, ça s’est exprimé violemment. Ce n’est pas un quartier qui a brûlé, c’est la France entière. »

Ouvrir le droit de vote aux étrangers aux élections locales, ça pourrait inciter ces enfants d’immigrés à plus s’impliquer politiquement ?

« Quand Hollande s’est déplacé en banlieue, qu’il a parlé du vote des étrangers, du contrôle au faciès, les salles se sont levées. C’était de la pure démagogie : aujourd’hui les enfants d’immigrés, les quartiers, se sentent trahis. Cette fois, la gauche n’a pas le droit de se tromper… Sur le terrain, ça commence à bouillir. Il y a eu le mariage pour tous, c’est très bien, mais on attend aussi que le gouvernement fasse quelque chose pour nous. le travail pour tous, le droit commun pour tous, la culture pour tous, et on ne voit rien arriver. Donner le droit vote à leurs parents, ce serait déjà un signe fort. »

Pourquoi selon vous la gauche recule sur ce sujet ?

« Parce qu’elle a peur de froisser un autre électorat. Elle pense que ça va diviser les Français… Mais apparemment, ça ne la dérange pas de diviser les Français comme moi [issus de l’immigration, NDLR]. »

La promesse

Engagement 50. "J'accorderai le droit de vote aux étrangers".
Engagement 50. « J’accorderai le droit de vote aux étrangers ».

 

L’action

Trois décennies que la gauche promet, trois décennies qu’elle laisse traîner. En 1981, « le droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français » était la proposition 80 du candidat, devenu président, François Mitterrand. En 2000, suite à la victoire de la gauche aux législatives de 1997,  un texte est adopté par l’Assemblée nationale… Qui n’arrivera jamais au Sénat. En 2011, c’est l’inverse : détentrice de la majorité au Sénat, la gauche tente de représenter le texte… retoqué en première lecture à l’Assemblée, dominée par la droite. En 2012, le candidat Hollande reprend la promesse à son compte. L’ouverture aux étrangers non communautaires (les ressortissants de l’UE y ont accès depuis 1998) résidents en France depuis 5 ans du vote aux élections locales est attendue par ses partisans avant les municipales de 2014. Las, elle a été exclue de la réforme constitutionnelle présentée le 13 mars au conseil des ministres.

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Une réponse à Droit de vote des étranger : « Un outil d’intégration » pour les banlieues

  1. Fredo68 dit :

    Il y a mieux a faire que d’essayer d' »interesser » les etrangers a la politique: creer des emplois. Considerer les immigres comme des etrangers est aberrant car la France va de Dunkerque a beaucoup plus loin que Tamanrasset. Tout francais qui se respect se doit d’etre pour « libert. Egalite, fraternite » et d’etre un peu auvergnat, breton, ch’ti, algerien, tunisien, malgache, burkinabe etc…
    Les immigres sont des francais a qui nous refusons stupidement la carte d’identite. Et un jour, ce qui se passe a Anjouan, qui veut son rattachement a la France, se passera aussi en Algerie. Mais le tout est de commencer par le debut: putain, creons des emplois. Il n’y a rien a attendre d’un Etat a bout de souffle. Il faut prendre les choses en main nous memes et recourir a des moyens NON gouvernementaux de creation d’emplois.

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