La reprise d’entreprise : l’affaire des audacieux
Ils changent de vie en se lançant un nouveau challenge avec un nouvel outil de travail. Immersion dans un monde de courageux…
Si vous traversez l’enfer, continuez d’avancer… La phrase est signée de Winston Churchill. Elle est affichée au mur du bureau de Ludovic Fauvarque, patron de Meltis, repreneur en 2008 de l’entreprise Millet de Tours. La devise est symbolique mais vaut pour ceux, qui, comme lui, traversent l’angoisse d’un changement de carrière, d’une aventure personnelle, professionnelle, humaine et collective.
Qu’est-ce donc cette traversée de l’enfer d’un nouvel horizon qui pousse à avancer ? Le banquier ? L’équipe ? Le challenge à relever ? Les histoires de ces hommes et femmes qui reprennent une entreprise balaient d’abord la peur, à entendre ces aventuriers modernes qui mettent au cœur du cédant un projet réfléchi avec le temps, avec l’âge ou une conjoncture économique qui prévoit une proche fin de règne. Tout cela motive ce tournant majeur de la vie, d’une seule vie. Il faut de l’audace. Car c’est bien connu : « l’avenir sourit aux audacieux » dit le proverbe.
Dans les témoignages qui illustrent cette enquête, un mot revient souvent : le temps. Six mois, un an, voire plus, mûrissent ce changement de vie. Temps du choix de l’activité, des vérifications d’usage (santé financière, trajectoire, marchés, tenue et place dans le secteur, évolution technologique à venir), le repreneur s’entoure. Ici d’un avocat, là d’un notaire et un expert-comptable. Prudent, il se munit de cartouches susceptibles d’être tirées en cas de mauvaises surprises. D’autres rengainent le colt avec des connaissances, les atouts d’expérience, de l’assurance et du métier. C’est le cas de l’invité du réseau Carnet Pro du groupe La Nouvelle République. Pascal D’Halluin, patron de la Faïencerie de Gien, n’en est pas à son coup d’essai. Huit ans passés chez L’Oréal à apprendre à tracer une route et tenir un cap contre vents et marées, le voilà prince du marketing. Il troque l’uniforme d’officier de Liliane Bettencourt, puis celui des actionnaires des jean’s de la marque Lee Cooper, afin de les rendre plus élastiques et moins perméables à l’usure des marchés (1994-2001). Il redresse la marque et se fait remarquer par des financiers suisses qui cherchent le sauveur d’un autre emblème cousu côté cœur, fichu du petit crocodile : Lacoste.
Et ça marche. Le temps. Toujours le temps ! « Ce qui est difficile, explique-t-il, est forcément long. Pour la Faïencerie de Gien, il a fallu donc bâtir un plan sur le long terme, en plusieurs étapes… ». Descartes, avec son fameux « Discours de la méthode » n’est pas Tourangeau pour rien. Il tient ici ses héritiers. Rien ne se fait seul, même avec la meilleure volonté qui soit. Tous nos interlocuteurs le concèdent : il faut s’entourer.
Un hommage aux aidants
D’un « grand » capitaine comme Pascal D’Halluin aux plus « modestes », à l’instar des témoins de cette enquête. D’Adrien, repreneur de pizzeria à Rodolphe Le Meunier, meilleur Ouvrier de France et Champion du monde des fromagers affineurs, le challenge est total. Car tous ne sont pas pourvus d’une destinée familiale, transmise par nature, par nécessité ou volonté. Du puissant au modeste, ils reconnaissent et mettent en avant leurs passeurs de réussite. Il faut par exemple citer les chambres consulaires, les cédants et repreneurs d’Affaires comme la CRA, (association régionale pour la transmission de PME/PMI) grâce à laquelle pas mal de repreneurs ont recours. Encore suffisamment méconnue du grand public, elle a pour objectif, avec les conseils de personnes expérimentées, de communiquer sur la problématique de la transmission d’entreprises, sur les recherches du projet, d’encourager également une nouvelle approche de la reprise et des valeurs promues par l’Institut de la transmission.
Citons encore le Réseau Entreprendre Val-de-Loire qui chapeaute les nouveaux patrons. En Indre-et-Loire, celui-ci accueille 150 chefs d’entreprise encadrants, tuteurs pendant deux ans et demi, à raison d’une heure trente chaque mois pour faire le point. Cela crée forcément des liens humains qui vont bien au-delà de la nouvelle destinée commerciale ou industrielle de l’entreprise…
« Continuez d’avancer » disait Churchill. Et puisque l’enfer est pavé de bonnes intentions, nos entrepreneurs prennent inévitablement des risques. Ce sont leur dopant, un EPO légal, une source ou une ressource presque naturelle. Comme accompagnée d’une envie de changement et d’aventure humaine. Ces reprises sont souvent une régénérescence, un puit de nouvelles motivations personnelles et professionnelles. Et pourquoi pas de nouvelle jeunesse !
Allez donc le leur demander…