Choc social : comment rebondir
Comment se relever d’un licenciement économique et retrouver un emploi ? Reportage au cœur des Ateliers de transition professionnelle, dispositif inédit mis en place par Michelin.
Comment rebondir après un choc social ? Cette question devient toujours plus pressante dans un contexte économique tendu où, en Indre-et-Loire, 44.776 personnes – dont 27.605 sans aucune activité – sont inscrites à Pôle Emploi*. Comment redevenir « employable » après un licenciement économique alors que l’horizon de certaines branches, notamment industrielles, se noircit toujours plus ?
Des dispositifs publics ou privés, encadrés par la loi, permettent à des salariés licenciés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE)** de rebondir plus facilement en étant accompagnés. Et de trouver une nouvelle voie. Les sociétés de moins de 1.000 salariés peuvent mettre en place une cellule de reclassement. Celles de plus de 1.000 salariés – comme c’est le cas, par exemple, de Michelin – ont l’obligation de proposer, à chaque salarié licencié économique, un congé de reclassement durant lequel la personne continue d’être rémunérée et conserve son statut de salarié de l’entreprise. Les maîtres mots de ces dispositifs de reconversion professionnelle ? « Un accompagnement individualisé », répondent en cœur les experts du secteur. Comme aux Ateliers de transition professionnelle (ATP) mis en place par la marque au bibendum, après le PSE annoncé en juin 2013, tranchant dans les effectifs des usines de Joué-lès-Tours : 380 salariés partis en pré-retraite, 165 pour d’autres usines du groupe et 165 ayant perdu leur emploi.
Un pont entre l’usine et l’emploi
Ce sont ceux-là que l’on retrouve aujourd’hui, pour partie, dans les anciennes usines Mame réaménagées aux frais du géant du pneumatique en véritable petit campus… encore en travaux. Une salle informatique de 30 postes, une mini salle de sport avec panier de basket et de multiples espaces de travail sur des centaines de mètres-carrés.
Au tableau, dans le bureau central, un planning où les ateliers CV et lettre de motivation côtoient ceux de sophrologie, de taï-chi ou encore de menuiserie et mécanique. Un espace inédit que Michelin avait déjà testé à Toul, en 2008, pour accompagner les 826 salariés de feue son ancienne usine Kléber. « C’est un pont entre l’usine et l’emploi, résume Guy Manssens, directeur des ATP. Un lieu unique avec un accompagnement individualisé pour les salariés. »
« Les ATP sont adaptables en fonction des projets avec des temps collectifs et individuels. »
Les collaborateurs sortant de Michelin ont intégré ces Ateliers de transition professionnelle – ceux en mobilité interne y ont aussi passé un mois – depuis le 28 avril, à temps plein, car « il est important de ne pas décrocher du rythme de travail, ajoute Guy Manssens. La caractéristique des ATP, c’est qu’ils sont adaptables en fonction du projet des personnes avec des temps collectifs et individuels. Chacun peut découvrir différents métiers, est accompagné par un conseiller, et a un programme pour la semaine. L’objectif, c’est trouver pour chacun l’emploi qui leur convient. ».
En plus de la présence de nombreux intervenants sur place, les ex-Michelin sont en effet épaulés par un conseiller-référent – on en compte un pour 25 personnes – qui va les aider à monter leur projet professionnel. Selon Guy Manssens, 20 % de l’effectif initial sont déjà partis, et ont retrouvé emploi. Sur ceux qui restent 80 % ont un projet professionnel et les accords de Michelin, négociés avec les syndicats, prennent en charge la totalité des actions de formation et sont théoriquement « sans limite de temps », même si une commission se réunit en avril 2015.
Motivation et souplesse géographique
La formule idéale ? Une position que ne partage pas du tout Claude Guillon, secrétaire de la CGT Michelin. « Au début, on a pensé que les ATP étaient potentiellement quelque chose de bien. Mais en raison des retards du chantier Mame, les salariés ont été accueillis jusque début juillet à l’Afpa dans des conditions déplorables où nous avons davantage assisté à de la garderie, explique-t-il. Il y a aussi eu une mauvaise adéquation entre les consultants et les salariés. Ils ne pensaient pas que les gens avaient autant avancé sur leur projet, et au final, ils les ont parfois ralenti : il y a trop de moments collectifs et pas assez de suivi individuel. Certaines personnes, en difficulté, nécessitent une attention plus poussée et aujourd’hui, on ne travaille pas assez pour elles. »
Un salarié acquiesce : « Il y a beaucoup de modules inintéressants qui sont là pour meubler le temps ». Ce n’est pas l’avis de Jérémy, 33 ans, plutôt satisfait de cette expérience. « Certaines activités sont utiles, d’autres non, mais chacun peut faire en fonction de ses centres d’intérêt, analyse-t-il. Cela me permet aussi de réfléchir sur ce que je veux faire, de prendre le temps, sans être obligé, de prendre le premier travail qui vient », explique-t-il. Finalisant encore son projet professionnel, le trentenaire pourrait s’orienter vers un nouveau métier, celui de moniteur d’auto-école.
In fine, la reconversion d’un salarié sera aussi fonction de sa motivation, évidemment, mais aussi de sa souplesse, de sa mobilité géographique, du bassin d’emploi dans lequel il évolue ou encore de sa conscience de la réalité du travail. Qui peut parfois se révéler plus complexe que prévu.
Enquête réalisée par Flore Mabilleau
*Chiffres fin juillet 2014.
** Obligatoire dans les entreprises 50 salariés minimum dans lesquelles au moins 10 salariés sont licenciés sur une période de 30 jours. Le PSE doit être validé par l’État.681 licenciements économiques de janvier à août 2014. En 2013, 1.193 salariés ont perdu leur CDI pour raisons économiques (Source Direccte).