Les innovations permanentes de la grande distribution
En quête perpétuelle de séduire leurs clientèles, les enseignes rivalisent de coups de marketing. Elles renouvellent ainsi leur image et leurs métiers.
Les grandes surfaces ont toujours recherché à démocratiser certains produits tels que l’informatique (ordinateurs, tablettes) ou la télévision.
Leurs noms nous sont devenus familiers : Carrefour, Auchan, Leclerc, Intermarché, U, Casino, Monoprix, Simply, Lidl, Leader Price, Netto, Aldi, Dia, Ed, Coccinelle. Plus de 120 points de distribution alimentaire dont ainsi disséminés dans le département pour attirer et satisfaire une clientèle soucieuse de son porte-monnaie.
Séduire et fidéliser : voilà l’enjeu commun, de la supérette à l’hypermarché. Ces deux ressorts fonctionnent depuis la fin des années soixante. À la fois marqueur et reflet de la société, la grande distribution a démocratisé la consommation. Elle y joue aussi un rôle dans l’urbanisation en allant là où les gens habitent. Et se réapproprie aujourd’hui les centres-villes qu’elle avait abandonnés. La notion de gigantisme ne lui parait plus un argument de vente et de bas prix. Elle lui préfère désormais une vente plus diversifiée grâce à internet avec des produits pas forcément visibles en rayons : ici le coin traiteur, là un choix de véhicules en location par exemple.
En interne, les enseignes ont fait évoluer leurs métiers et redécouvrent les bienfaits de la proximité avec les territoires. Elles y ont pour certaines construit des plateformes logistiques : Noyant-de-Touraine (Intermarché), Saint-Pierre-des-Corps (Auchan), Savigny-en-Véron (U), Sorigny où la société Lidl souhaite agrandir ses entrepôts. Ce sont des milliers de mètres carrés ainsi occupés, comme autant de traits d’union entre le fournisseur et le distributeur. Et pour chacune, des centaines d’emplois créés. À Joué-lès-Tours, Intermarché a installé un entrepôt spécifiquement dédié à la viande ainsi qu’une fabrique – Le fournil du Val-de-Loire – de viennoiseries. Président de Système U, Serge Papin résume le choix de sa marque : « autrefois, il fallait une seule et grande plateforme pour distribuer le territoire national. Nous avons fait de la proximité un atout majeur pour satisfaire cent points de vente dans un rayon de cent kilomètres. »
Le retour des métiers
traditionnels
Ces choix opérationnels et logistiques sont optimisés par l’informatique. Dans les entrepôts d’abord où les salariés, le casque sur les oreilles, répartissent les commandes sur simple instruction vocale (lire notre reportage). Dans les magasins ensuite où les systèmes gèrent directement les stocks avec les centrales d’achat.
Sans forcément parler d’innovation, une autre évolution s’est vérifiée ces dernières années et va se généraliser avec le retour des métiers traditionnels. Si la plupart des enseignes forment leurs personnels dans des écoles « maisons », elles en appellent aux professionnels : cuisiniers, bouchers charcutiers, poissonniers, boulangers. À Tours, ces gérants de supermarché vont suivre prochainement un stage… d’œnologie.
Cette façon de créer du lien tranche avec la mode des drives, ces lieux où l’on vient charger le contenu directement de son chariot de courses dans le coffre de la voiture. Il s’en est ouvert 120 en France en 2012 contre seulement une dizaine depuis l’en dernier. Essentiellement concentrés dans l’agglomération tourangelle, ils sont au nombre de douze et sont soit « déportés » (exemple Leclerc au Menneton), soit « accolés » à l’hyper (Auchan Tours Nord), soit carrément dans le magasin (U à Bourgueil). On parle alors de « picking ».
De quelles façons la grande distribution peut-elle encore se réinventer ? Beaucoup de chefs d’entreprise indépendants ou franchisés vont voir ce qui se pratique déjà dans d’autres pays européens. Carrefour vient par exemple de lancer une application mobile sur la géolocalisation des produits dans ses magasins. « Il faut que nous soyons en capacité de proposer des articles absents des magasins sur un catalogue virtuel » avance ce directeur, sur le point d’engager, dans son hypermarché, « une vraie rupture par rapport à l’alignement actuel de ses gondoles ».
Alors, faut-il être le moins cher à la manière du hard discount ou faire de la qualité par l’innovation ? Car « les marchés s’effondrent par le milieu. C’est l’effet sablier » analyse Ralph Hababou, grand témoin de cette enquête (lire page suivante). Est-ce une conséquence de la crise économique qui semble en apparence épargner la grande distribution ? Les marques choisissent aujourd’hui un marketing qui mesure d’abord l’efficacité de leurs produits sur le consommateur.
Comme une évidence : c’est lui qui aura toujours le dernier mot.