“ Le marché a tout fait pour que l’agglo gonfle ! ”
Chercheur à l’université François-Rabelais de Tours, Christian Demazière plaide pour que l’aménagement du territoire anticipe les marchés.
Il instruit la géo-localisation de l’économie tourangelle par des approches scientifiques. Il fut l’un des pionniers du laboratoire universitaire dans l’entreprise il y a 15 ans, avec ST Micro-electronics. Une autre illustration de ses destins liés avec les territoires.
Comment se construit l’arrivée de l’entreprise dans l’environnement ?
« Les villes se sont d’abord structurées autour de leurs marchés. Puis très vite sont arrivées les manufactures et autres filatures, dans un contexte d’échanges. La main-d’œuvre a donc été attirée et les villes ont grossi. Aujourd’hui, la densification urbaine s’est-elle musclée ? Il faut penser de façon dynamique car les territoires ont eu la tentation d’exploiter les gens avec une matière première abondante. Cela peut continuer. Mais aujourd’hui, les facteurs de développement bougent. La concurrence s’exerce par exemple de manière positive grâce aux pôles de compétitivité… ».
Quels sont aujourd’hui les critères importants mis en avant par les territoires pour faire venir les entreprises ?
« les stratégies relèvent d’abord des dotations. Prenez Tour(s) plus. L’agglo privilégie en premier l’accès à la recherche. Son potentiel s’appuie sur des partenariats entre l’université et les entreprises comme le CEA ou le CNRS. Puis, on va travailler les mises en réseaux. Les autres territoires, hors agglo, vont avoir tendance à jouer sur les infrastructures : foncier moins cher, taux d’imposition moins chers. C’est une stratégie classique qui date depuis plus de cinquante ans… Troisième critère d’attractivité : l’accompagnement pourra alors prendre plusieurs formes. Tauxigny en est l’exemple. Une structure, Loches-Développement, a piloté son essor avec succès et a soutenu les ateliers relais géographiquement situés en lisière d’agglo et de campagnes. C’était bien calculé ! On a vu là un niveau d’accompagnement dans l’aide à l’embauche à la hauteur d’une communauté d’agglomération. ».
Y a-t-il à l’inverse des territoires affaiblis ?
« On parle alors de centralités affaiblies. Je pense à Langeais. La zone d’aménagement de Neuillé Pont-Pierre, qui est à proximité de deux autoroutes, connaît un échec. »
Y a-t-il une hégémonie de l’agglomération tourangelle sur le reste du département ?
« Quand je vois une vue aérienne de Parçay-Meslay, je me dis qu’elle est indissociable du territoire de Tours. Mais l’entreprise s’en fiche, les salariés aussi. Deux salariés sur trois travaillent à l’extérieur de leur commune de résidence. La distance moyenne domicile travail est de 15 km. Il faut que l’aménagement du territoire n’accompagne pas seulement les marchés mais les anticipe ! »