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Rentrée littéraire été 2023

TRUST

La rentrée littéraire 2023 est la moins prolifique du siècle, avec “seulement” 466 romans, contre 490 l’an passé, et 521 en 2021. Ce qui nous laisse quand même des tas de possibilités de découvertes et de rencontres avec des auteurs aguerris ou débutants.

Parmi les petites pépites de cette nouvelle édition, Trust, second roman de Hernan Diaz et lauréat 2023 du prix Pulitzer. L’an dernier, lors de sa sortie dans les librairies américaines, l’ancien président Barack Obama l’avait mis sur sa liste des romans préférés.

L’histoire ? Elle est quadruple. Ce qui peut décontenancer au départ de la lecture. Quatre parties composent le roman  de cet écrivain argento-américain, aujourd’hui directeur adjoint de l’Institut hispanique de l’Université Columbia. Au loin en 2017, son premier roman, a été finaliste du prix Pulitzer et du Pen/Faulkner Award et lauréat du prix Page/America. Il vit depuis vingt ans à New York.

On découvre d’abord la vie de Benjamin Rask et de sa femme, Helen. Une vie romancée par l’auteur Harold Vanner. Nous sommes dans les années 30, à New York.  La Grande Dépression frappe l’Amérique de plein fouet., Wall Street est encore sous le choc du krach boursier de 1929.

Un homme, néanmoins, a su faire fortune là où tous se sont effondrés. Héritier d’une famille d’industriels devenu magnat de la finance, il est l’époux aimant d’une fille d’aristocrates.

Le pouvoir de la fiction

Mais l’image que donne ce couple cultivé et richissime décrite par Harold Vanner ne serait pas flatteuse dans Obligations, estime Andrew Bevel, dont l’auteur a fouillé la vie et celle de sa femme Mildred. Parce qu’il veut rétablir « sa » vérité Andrew Bevel recrute Ida Patenza pour écrire sa biographie (Ma vie) et s’y donner le bon rôle.

Ida, justement, fille d’un imprimeur qui a lu Marx, raconte à son toue ce qu’elle vit au fil de ces mois d’écriture. Et puis il y a les carnets et les archives de Mildred que la jeune femme parcourt à titre posthume. Une nouvelle vérité se dessine. Derrière le vernis, c’est une vie qui s’écaille et une histoire de l’argent et de la puissance qui se dessine au fil des pages.

« C’est un roman à la gloire de la littérature, qui peut tout réinventer », indiquait, en juin, Hernan Diaz lors d’une émission sur France Culture. C’est passionnant et très bien écrit. Une très chouette découverte et un exemple, s’il en fallait encore un, du pouvoir d’un roman !

Ecoutez-le sur France Culture : 

 Page 24 :« […] Si on lui avait posé la question, Benjamin aurait sans doute eu du mal à expliquer ce qui l’attirait dans le monde de la finance. Sa complexité, oui, mais aussi le fait qu’il voyait le capital comme un être antiseptiquement vivant. Il bouge, mange, croît, se reproduit, tombe malade et peut mourir. Mais il est propre. Avec le temps, cette idée s’imposa à lui avec davantage de clarté. Plus l’opération était de grande envergure, plus il se tenait à distance de ses détails concrets. »
Pages 235-236 :« Mes amis et mes relations me disent qu’ils sont navrés pour ce livre. Comprenez-vous à quel point c’est irritant ? Parce que, à travers leurs témoignages de sympathie, ils reconnaissent avoir lu ce tissu de foutaises. On dirait que tout le monde a lu cette saleté. Et tout le monde comprend bien que nous en sommes le sujet. Vous verrez par vous-même. Ce ne pourrait être personne d’autre. Les gens considèrent que c’est une source digne de foi peut-être parce que quelques détails sont vaguement corrects. Il y a même des journalistes qui se fient aux indices et aux pistes qu’on y trouve, essayant de corroborer certaines scènes et certains passages. Rendez-vous compte. Les événements imaginaires de cette fiction ont une présence plus forte dans la réalité que les faits avérés de ma vie. »
Page 304 :« Retranscrire et retravailler les mots de Bevel. Inventer une vie pour Mildred. Composer une fiction pour l’homme sans cravate. Je me suis persuadée que c’était le travail qui me forçait à m’enfermer chez moi les jours suivants. Mais c’était la peur. J’ai déplacé le bureau dans un coin loin de la fenêtre, et là, recroquevillée sur ma machine à écrire, j’ai bûché sur ces histoires. 
Vers la fin de cette semaine de réclusion, je me suis rendue compte qu’écrire une version complètement inventée pour l’extorqueur servait de source d’inspiration majeure à l’autre histoire que je développais pour Bevel. Ces récits se nourrissaient et se façonnaient l’un l’autre. Ce qui était une impasse ici apparaissait comme une piste fructueuse là. »
Trust, Hernan Diaz, Editions de l’Olivier, 23,50 euros. Traduction par Nicolas Richard. 

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