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Georgette-COUV

Rentrée littéraire 2023

Un premier roman ? Encore ? Comme c’est étonnant ! J’en suis définitivement férue. Alors j’ai plongé dans Georgette, premier roman de Dea Liane.

Agée de 33 ans, née dans une famille syro-libanaise, Dea Liane est comédienne. Elle a commencé tardivement le théâtre tout en terminant son master de recherche en Histoire à Sciences Po.

Dans ce premier roman, Dea Liane écrit, en 26 séquences, la vie quotidienne d’une famille sur le modèle d’une film amateur des années 90. Georgette, employée de maison, veille sur les rituels qui scandent la vie de la narratrice et de son frère : le bain, les repas, le lever et le coucher, les fêtes, les voyages. Elle est aussi la seule à savoir comment se débarrasser des serpents et des scorpions.
Georgette est une seconde mère. Elle est indispensable. Mais socialement, elle demeure une fille, c’est-à-dire une domestique qui ne sait ni lire, ni écrire. Telle est la contradiction présente au cœur de ce récit subtil et déchirant.

Au fil des séances, qui font alterner deux types de souvenirs, c’et une histoire de famille qui se décline. Une histoire d’amour entre une femme et une enfant, aussi.

 

 

Extraits

Page 11 : « L’image qui me reste : une bande bleu foncé surmontée d’une bande bleu clair et le vacillement du paysage sous la chaleur. La sensation de quelque chose dans mon dos à quoi je ne veux pas faire face. La gêne immense devant l’impossible : dire adieu à sa mère. Le sentiment que la situation ne me permet pas d’exprimer ma douleur, mon incompréhension. Etre brutalement ramenée à cette réalité après treize années de vie commune et d’intimité partagée : cette personne ne fait pas partie de notre famille, c’est une domestique, nous l’avons payée pour ça. »

Pages 50-51 : « Dans les premiers épisodes, le rôle de Georgette est central, primordial. Elle est sur tous les plans. Elle me fait manger, elle me porte, elle me lave. Je ne me déplace pas sans elle. Elle dirige mon visage vers la lumière, elle m’oriente dans la bonne direction, elle suscite sourires et regards. Je suis sa marionnette, et elle est la doublure de ma mère. Sans elle ma mère ne pourrait pas réaliser le Film de la famille, ne pourrait pas tourner les scènes de sa maternité. »

 Page 125 : « C’est peut-être là, allongée sur son lit, dans la froide humidité que le convecteur électrique ne parvient pas à dissiper, le regard tourné vers le chétif soupirail, face au plafond bas que nos respirations et nos pas joyeux ne traversent plus – c’est peut-être là qu’elle a pensé, pour la première fois, après nous avoir suivi de Damas à Courbevoie, de Courbevoie à Chatenay-Malabry, de Châtenay-Malabry à Rabieh, de Rabieh à Bsalim puis de nouveau à Châtenay-Malabry, puis enfin à Verrières-le-Buisson – là pour la première fois elle s’est dit peut-être : il est temps que je parte. Rien ne subsiste plus de la joyeuse confusion des rôles. Rien ne demeure plus de nos complicités à ce moment-là, chacun est enfermé dans une pièce, chacun a son territoire de solitude. L’équilibre est rompu. »

 Georgette, Dea Liane, Editions de l’Olivier, 17€. 

 

 

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