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Rentrée littéraire automne 2022

LES SABLES

Un premier roman pour le moins étrange, insaisissable, mais divinement bien écrit. Voilà ce que m’inspire le premier roman de Basile GallaisLes sables. A 26 ans, ce dernier signe un texte d’ambiances, d’atmosphères.

« Les sables est venu avec le vent, porté par des bourrasques qui s’engouffraient entre les immeubles droits d’une ville, celle du Havre, de la Cité, un espace traversé de lumières qui a ouvert un interstice dans lequel je me suis coulé. Car il est avant tout question d’une plongée en écriture, une immersion totale qui m’a saisi et a saisi, d’un même élan, chacun des personnages, nous mettant au même rang », explique Basile Gallais qui a quitté La Nouvelle-Calédonie pour étudier en métropole, d’abord aux beaux-arts de Biarritz puis de Nantes, ou il pratique la peinture, puis en création littéraire, au Havre.
Aujourd’hui, il vit sur son voilier dans la petite rade de Nouméa.
L’histoire ? C’est une cité portuaire, verre et béton sur le sable, qui se dresse contre un ciel-champ de bataille. Un enfant se volatilise, la ville est amputée d’un morceau de terre mais ne s’en souvient pas. Une fake news tourne en boucle sur tous les écrans, la mort d’un Guide spirituel, quelque part au fond d’un désert, secoue des mondes lointains, retentit jusqu’au plus proche. L’information attaque la réalité et le vertige saisit chacun différemment, interrogeant la mémoire, la vérité, l’avenir. Dans la tempête, quelques silhouettes se détachent, nous ouvrant le chemin vers une histoire de disparition et d’oubli.

Basile Gallais lit un extrait de son premier roman : 

https://youtu.be/Rfw-GZvEDwQ

 Extraits

Page 51 :« […] Cela fait des semaines que son travail est au point mort, que tout lui semble remis en question, jusqu’à la nécessité même de la peinture, sa justesse à dire le monde. Lorsqu’il a reçu le mail, il y a vu une chance de sortir du marasme dans lequel il s’enfonçait, l’opportunité de faire peau neuve, alors il s’est laissé tenter par cette expérience qui, comme mentionné dans l’invitation, propose de découvrir un espace perceptif inédit, une immersion dans un monde premier, bien que ces formules lui aient paru revêtir le parfum rance des spots publicitaires faisant l’apologie d’un nouveau tourisme, comme on en voit fleurir un peu partout sur les panneaux de la Cité. « 

Page 128 : « […] Il se lève, allume un vieil émetteur-récepteur posé à côté des écrans et branche le micro sur la fréquence 99.9, cette onde sur laquelle lui et son frère écoutaient les conspirations du monde, une poésie de l’obscurité qui était murmurée chaque jour depuis tous les pays du globe, et qui aujourd’hui ne vit plus que par sa voix à lui. Il se laisse aller à cette présence qui flotte toujours autour de lui, ce double qui l’habite et auquel il donne une voix. »

Page 154 :« […] La cité disparait. 

Il repasse par la brèche ouverte dans la clôture. Cette fois, il entend des voix aux alentours, des corps qui s’affairent pour rebrancher la métropole. Il profite de l’obscurité pour filer en douce, ne traînant derrière lui plus aucune ombre. Il avance à l’aveugle, se fiant à son instinct et à sa connaissance parfaite des artères qui irriguent la Cité. Il est toujours envahi par ce calme sépulcral. La Voie lactée se dessine, les étoiles scintillent à des intensités dont les variations sont perceptibles, des poussières luminescentes entourent les constellations d’un halo bleu et jaune qui fend le ciel opaque. Une lumière d’un autre temps couve au-dessus de Dennis. Il a le visage recouvert de son casque cyborg et avance d’un pas déterminé vers le centre. Lorsqu’il s’engage dans l’avenue principale, il aperçoit au bout de la veine noire une bulle turquoise qui flotte dans le ciel. »

Les sables, Basile Gallais, Actes sud, 21€.

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