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Rentrée littéraire automne 2022

CHIEN 51

Je pourrais vous parler de Laurent Gaudé pendant des heures. Mais ça ne serait pas vraiment raisonnable, hein ? Je suis cet auteur et dramaturge depuis une vingtaine d’années. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises au festival d’Avignon où plusieurs de ses pièces ont été mises en scène.

Pour la première fois Laurent Gaudé s’essaye à la dystopie en présentant Chien 51, un roman d’anticipation mâtiné de polar.

L’histoire ?

C’est dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché.

Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, Salia Malberg, il se lance dans une longue investi­gation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahi.

Que cache la découverte d’un second corps éventré ? Quelles ramifications ? Jusqu’où peut aller le cynisme et la quête du pouvoir dans un monde séparé en trois zones : celle des  cilariés (contraction de citoyens et salariés) privilégiés, celle de la classe moyenne et enfin celle des pauvres ?  Zem, exilé et déclassé, va tenter de le comprendre. Pour se racheter aussi.

Laurent Gaudé explique que Chien 51 est un projet auquel il pensait depuis plusieurs années. « Etonnamment, j’ai retrouvé dans l’écriture de ce roman d’anticipation le même plaisir que pour La mort du roi Tsongor. Laisser mon imagination se déployer, inventer un univers, avec son histoire, ses règles, ses aspirations et ses dysfonctionnements. Et puis surtout, interroger notre monde, par ricochet. Chien 51, c’est une version possible de demain Un reflet grimaçant de notre visage. »

Laurent Gaudé lit un extrait de son nouveau roman : 

https://youtu.be/Q5RDu2mzQ9w

Extraits

Page 136 :« […] Il y a un fossé entre eux deux. Le Love Day, pour elle, ne pose pas de problème. Elle est née avec. C’est ainsi. Elle va faire ce qu’elle fait chaque fois : coucher avec des hommes et des femmes au hasard de la soirée, ceux qu’elle croise, ceux avec qui elle travaille, le serveur du restaurant dans lequel elle va manger deux fois par semaine, le premier qui la regardera avec désir. Elle va le faire comme tous ceux de sa génération. Parce que GoldTex dit que c’est bien, que c’est même nécessaire, que cela rend les cilariés plus heureux et qu’après une longue période d’effort, il est normal de se faire du bien. »

Page 177 :« […] Mais dès le début, il sent que quelque chose est anormal. Les forces de son corps se sont évanouies. Il ne peut plus rien faire que laisser la vision se développer. Il est dans le quartier de Monastiraki, près de la place Mitropolèos. Il déambule et se rapproche de la rue Voulis. Cela lui semble étrange Il connaît bien cette rue. C’est ici que vivait son ami Héraclès Mourikos. Est-ce un hasard ? Les voitures défilent au pas. Tout est plus lent que dans le réel. Il ne se passe jamais rien, normalement, dans les visions. C’est une règle. Les images sont sélectionnées pour n’inclure aucun événement. C’est juste un paysage vivant, une toile de fond avec le spectacle d’une humanité qui passe et repasse. « 

Page 233 :« Et il serre de plus en plus fort. Sur ce bout de trottoir, il sent chacun des frissons qui montent d’elle. Le flot d’images immondes lui parcourt les veines et le cerveau. Il sait qu’elle n’en reviendra peut-être jamais, ou en tout cas qu’il faudra des mois, des années de lente rééducation. Ils l’ont massacrée de l’intérieur. C’est comme si elle allait être torturée pendant les dix années à venir, incapable de s’extraire de l’océan de cauchemars : meurtres, pornographie, tortures… Ils l’ont soumise à une vague d’images de souillures et son esprit ne peut que les subir, essayant de les décrire au moment où il les voit passer, mais il y en a trop, cela va trop vite, alors elle balbutie et se noie. »

 Chien 51, Laurent Gaudé, Actes Sud, 22€.

 

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