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Rentrée littéraire été 2022

DEUX SECONDESCette rentrée littéraire serait-elle celle de la sobriété ? Toute relative, cependant. En effet, le rendez-vous des auteurs et des maisons d’édition (en quête des prix de l’automne) est, pour la première fois depuis 20 ans, sous la barre des 500 romans publiés, 490 plus exactement (345 titres français et 145 étrangers). Une baisse de 6% par rapport à l’année dernière. Deux raisons sont avancées : la hausse du prix du papier et les incertitudes liées au rapprochement entre Editis et Hachette.

Le nombre de premiers romans, lu, est en hausse. Vous savez, depuis plus de 10 ans que ce blog existe, à quel point je les aime ceux-là, premiers jets d’auteurs (es) en devenir qui nous parlent d’eux, de nous, des autres.

Deux secondes d’air qui brûle ne fait pas exception. Diaty Diallo, l’auteure, a grandi entre les Yvelines et la Seine-Saint-Denis, où elle vit toujours. Depuis l’adolescence, elle pratique différentes formes d’écriture (blog, fanzines, chansons, et désormais son premier roman).

Un roman court, dense, incandescent. L’histoire, c’est celle d’une bande de potes. Il y a Astor (le narrateur, jeune adulte féru de botanique), mais aussi ChérifIssaDembaNil et les autres. Leur terrain de jeu ? La dalle en bas de chez eux. Mais aussi le parking, la friche, les toits et le quartier tout entier qu’ils habitent, dans la banlieue de Paname. Au milieu du décor, une pyramide qui, sans « divulgâcher » la fin, fait partie des personnages.

Un quartier où chacun est dans son rôle. Et où le quotidien n’est plus rose ni plus noir qu’ailleurs. Entre les béton et les odeurs du parking, la vie s’organise.

Un soir d’été cependant, le 16 juillet, en marge d’une énième interpellation, l’un des amis d’Astor, l’un des frères de Chérif, se fait tuer par des policiers. Alors les jeunes s’organisent, ensemble. Un soulèvement se prépare. Méthodique. Inattendu.

Un roman où la langue et le rythme claquent. Les rêves, eux, n’ont plus assez de place. Reste la réalité. Froide. Et un peu d’amour dans les yeux d’Aïssa.

Pour découvrir les premières pages :

https://fr.calameo.com/read/005979625fcc1f517f4d1?authid=orLmn213UMp4

Extraits

Page 13 :« […] C’est l’odeur de la part qu’on nous laisse. Des mètres de trottoir, quelques bancs, des triangles d’herbe, des bouts de bois morts qu’on transforme en braise pour cuire la viande. Le moindre coffre de voiture est possible sound system. 

On est débrouillards. On est joyeux. 

Mais nos réjouissances n’en sont pas pour tout le monde. Il y en a qui ne nous voient que comme les rejetons braillards d’ascendants qui avaient au moins la délicatesse de la fermer. C’est vrai qu’on fait ça, parler fort, mais on est quand même loin de passer toutes nos nuits à beugler sous des fenêtres. On a juste besoin d’agitation, un peu. Attiser des feux, se raconter des trucs pour passer les jours qui rallongent et même ceux qui raccourcissent en fait et puis danser parfois.

Pas grand-chose en somme. « 

Page 32 :« Chérif et Issa répondent aux premières questions, pacifiques. J’ai réussi mes partiels, c’est ça qu’on fête, dit Chérif, on fait juste barbecue tranquille, on sait que c’est pas autorisé mais on a essayé de pas être dangereux, de déranger personne, vous voyez bien  même on éteint le son si vous voulez. Il pourrait dire ce qu’il veut, ce soir-là ce n’est pas tout à fait pareil. Plus encore que d’ordinaire, le processus semble avoir été écrit  à l’avance, à l’image d’un scénario. Ses rôles assignés, d’adjuvants, d’antogonistes ; son élément perturbateur aussi et probablement quelques péripéties ; mais avec une fin en queue de poisson. « 

Page 122 :« […] Sans aucune annonce, les réverbères et la pyramide s’éteignent et plongent la place dans la pénombre. Seules les guirlandes continuent de clignoter. Les conversations se sont évanouies. L’espace d’un instant, en fermant les yeux, la place semble avoir été désertée par la foule. Mais, plongées dans une semi-obscurité, les mines sont simplement concentrées, dirigées vers l’enfièvrement qui se profile. 

Il y a quelque chose à calmer ce soir. Ensemble. Quelque chose de dure qu’il faut soulager à défaut de guérir. Ensemble. »

Deux secondes d’air qui brûle, Diaty Diallo, Seuil., 17,50€.

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