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Les vacances sont une occasion en or pour (ré)découvrir des lieux, des endroits qui, d’emblée, vous attirent. La preuve avec ma virée bordelaise. Impossible de ne pas pousser les portes de Mollat, la plus grande librairie indépendante de France et la première en terme de chiffre d’affaires et de titres en rayon ( elle abrite 265.000 livres soit 160.000 titres).  Cette immense librairie se situe à l’emplacement de la dernière maison de Montesquieu.

Là, des livres à profusion, évidemment… Et cette petite pépite, dévorée dans le train du retour.

Un livre de poche, eh oui, ce n’est pas courant par ici. Un récit autobiographique de surcroît. Et là, vous vous dites que le soleil bordelais a eu raison de moi… ;-)

 

Avec « La mer c’est rien du tout » ( publié en grand format en 2016), Joël Baqué signe un recueil de bouts d’enfance et d’adolescence, des morceaux de vie d’homme aussi. Des micro-textes qui nous racontent la vie d’une famille installée du côté de Béziers.

Une famille languedocienne, qui vit chichement, entre un père exploitant viticole radin qui hurle ; une mère mutique et effacée et trois enfants, dont Joël Baqué.

Jöel, c’est le sportif, celui qui deviendra le plus jeune gendarme de France, avant d’embrasser une carrière dans la police. C’est aussi celui qui, à travers le livre d’entretiens consacré à l’écrivain et poète Francis Ponge donné par un vacancier sur une plage dont il assurait la surveillance comme CRS, découvrira le pouvoir des mots et de la poésie. Paul, son petit frère, qui bégaie, devient facteur tout en tentant d’assumer son homosexualité. Valérie, elle, à la beauté éblouissante, rejoindra l’armée tout en étant mannequin.

A travers des souvenirs, des anecdotes, des sensations, celui qui fut commandant de police nous fait voyager à travers la France pompidolienne, la France des classes ouvrières, des taiseux et de ceux qui n’osent pas.

Les époques se mélangent avec toujours ces mêmes personnages. Ceux qu’il connait le mieux, ceux qui l’ont vu grandir. On découvre la mue de Joël, aujourd’hui quinquagénaire, installé à Nice. Le commandant de police, est déjà l’auteur de quatre romans et de plusieurs recueils de poésie.

Alors entre un père castrateur et une mère qui avale des cachets « fervessants », il nous raconte ses années 70 à lui. Les silences, les refus, la vie quotidienne d’une famille régie par le paternel qui a mis dans un même panier tout ce qu’il n’aime ou ne comprend pas, les « bouillacades ». Et tout y passe. Même la mer, qui ne serait rien d’autre qu’un attrape-touristes…

Un récit bref, fragmentaire, d’où ressortent les images. C’est fin, sensible, drôle aussi. Et c’est la vie.

Extraits 

 Page 9 :« Mon père nous disait, à Valérie et à moi :  » Votre mère c’est rien du tout, elle fait son cinéma ! » 

 « Votre mère c’est rien du tout, c’est la tramontane, ça les rend folles les femmes.  » ( Variante.)

Souvent elle annonçait : « Je vais me reprendre un cachet fervessant !  » Plus mon père criait, plus elle s’enfonçait dans la fervessance (son malheur conjugal n’était pas soluble dans l’aspirine, même effervescente).

J’ignore si j’ai été plutôt heureux ou plutôt pas heureux. 

Dans sa chambre, seule ou avec Martine, ma soeur écoutait des disques tout en feuilletant des magazines allégés en texte mais pas en photos. « 

Page 17 :« Paul bégayait facilement avec les gens, Valérie était facilement regardée par les hommes, mon père hurlait facilement sur ma mère, qui allait facilement s’enfermer dans le magasin. 

Dans l’Hérault, on nomme « magasin » une remise ou un garage. Le nôtre était en quérons comme la maison. 

L’argent, c’est mon père qui le gagnait et nous qui le gaspillions. »

Pages 35-36 : « De nouveaux voisins sont arrivés que mon père a immédiatement détestés parce qu’ils étaient sociables (il aimait ne pas aimer). L’homme nous donnait du congre et de la roussette qu’il pêchait (dans « La mer qu’est rien du tout, mais l’océan », etc.). Mon père n’osait pas refuser mais dans son dos jetait le poisson aux chats. J’avais consulté un livre de recettes pour pouvoir dire au voisin qu’on l’avait mangé avec de la tomate et des câpres. Mon père aimait pourtant le poisson. Quand il avait bien mangé : « Ah oui ! Au moins votre mère c’est une bonne cuisinière, pour ça on peut pas dire! « , sur le même ton que  » La mer c’est rien du tout, mais l’océan », etc. »

« La mer c’est rien du tout », Joël Baqué, #formatpoche POL, 9€. 

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