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Rentrée littéraire 

GEANTE

Quelle claque ! Le roman « La Géante » m’est arrivé via la boîte à lettres. Je l’ai dévoré. J’en garde des images, des sensations. Je n’avais jamais lu un roman de Laurence Vilaine. Avec « La Géante », la quinquagénaire installée à Nantes, signe son troisième roman. Un conte qui nous parle d’amour et de vie. Sauf que Noële ne connait pas le premier et a réglé la seconde dans un lieu délimité par les montagnes

Noële, la narratrice, a toujours vécu au pied de la Géante, là, à Fontanalbe, dans les Alpes-Maritimes. C’est là qu’elle a grandi après avoir rejoint La Tante, un jour de drame. Avec son père, son frère. Leur mère vient de mourir…

Dans la montagne, Noële suit le rythme des saisons, a fait siennes les herbes et les plantes médicinales pour les tisanes et les onguents en suivant scrupuleusement au fil des années les consignes de sa tante. Au fil des ans, la vieille femme est devenue un peu sorcière. Chaque samedi, les villageois viennent chercher de quoi les soulager, les soigner. Noële, elle, a fini par oublier qui elle était. Ou aurait pu être.

A ses côtés, son frère, surnommé Rimbaud qui ne parle pas, mais qui chante avec le petit-duc.

Parmi cet univers minéral, elle voit passer les saisons, et n’attend plus rien du ciel ni du soleil d’ailleurs. Et puis un jour, Maxim s’installe dans une maison du hameau. Le reporter se met au vert, pour faire face à la maladie.  Il reçoit des lettres de Carmen, qui l’aime. Qui parcourt le monde pour rapporter des histoires et des reportages. Et qui s’inquiète pour cet homme qui distille ses secrets au compte-gouttes.

Noële lui apporte ses missives. Finira par les garder et les lire. A travers les mots d’une autre, elle découvre tout ce que la vie ne lui a pas offert, les sentiments qu’elle n’a pas laissé entrer. A distance, via sa correspondance, le couple bouleverse ses répères.

Au cœur de la nature, les sentiments s’affrontent. La vérité se cache pour finalement éclater. Violente. Implacable au pied de La Géante, véritable personnage à part entière de ce roman à l’écriture sensible et poétique.

Extraits

 Page 40 : « Elle avançait les yeux droits et le pied solide qui va abattre des kilomètres, et plus on avançait, plus c’était le bourbier, dans ma gorge, dans ma poitrine, les dents serrées et les narines fermées, je sais respirer sans bruit, allumer le feu et me brûler sans geindre, la Tante m’a appris, quand tu viens au monde, personne ne compte sur toit, aussi compte sur toi-même et ne dérange pas la montagne. 

Je la connais par coeur la Géante, ses bêtes et ses caillasses, ses fougères à moustache et ses fausses gentianes qui donnent la chiasse. 

Comme la poche de ma blouse, je la connais. 

Comme l’odeur des cendres froides et des matins sans amour. « 

Page 77 : « J’ai vu quelques lettres empilées sur sa table, des enveloppes encore cachetées et une sur le carrelage de l’entrée qu’il n’avait pas ramassée. Les mouches s’attardaient, de deux jours elles passaient à trois, ce qui faisait de plus en plus lourde sa tête, elle demandait le silence aussi grand qu’il lui serait possible de l’entendre. La guerre battait son plein, il ne voulait voir personne dans les rangs. Il n’y avait pas de rang. Lui seul et le silence, dont il a fait son arme. Il voulait tout éteindre, le volume en même temps que la lumière et le bruit du monde, jusqu’aux mots sur le papier qui bruissaient trop fort. Plutôt se taire quand on n’a rien à offrir et aucune promesse à faire – il m’a remerciée, a baissé les yeux et refermé sa porte. « 

Page 112 : « […] Dans son chagrin, cette femme puisait les mots qui ne cachaient rien, elle se mettait à nu comme elle allait prendre un bain et nageait dans des eaux profondes avec la peur de rien. A côté d’elle, je marchais morte, morte de marcher à côté de l’essentiel. Je ne savais pas ce que penser à quelqu’un voulait dire, le soir avant le sommeil qu’elle retardait pour ne pas être séparée de lui dès le réveil. Je ne sais pas les mains qui brûlent et ce qu’aimer signifie, ni le sourire ni le désir grâce à des yeux de quelqu’un quelque part, fussent-ils à six cents kilomètres. Ni la terreur d’un mot de trop qui ferait mal, ni l’insoutenable, la seule pensée que l’amour s’en aille à jamais – ce soir-là dans la nuit je me suis blottie. »

 « La Géante », Laurence Vilaine, Zulma, 17,50€.

 

 

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