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 Des nouvelles ! Waouh, cela fait une éternité que je n’en avais pas lues ! En mai, au Mercure de France, un recueil est paru, écrit par Anne Serre. L’occasion de plonger dans ce format littéraire court et spécifique. Un genre qui, en France, peine à trouver sa place, à la différence des Etats-Unis, par exemple. Dommage.

La sexagénaire est l’auteure d’une quinzaine de romans et de nombreuses nouvelles. Son style est défini comme appartenant au « réalisme magique « .

Au fil des pages, des histoires parfois un peu étranges, drôles, curieuses, se dessine un autoportrait en trente-trois facettes.

On y trouve une mère inconnue qui ressemble à Liz Taylor, un père tendrement aimé qui se prend pour Musset, un amant marié qui joue avec un revolver, des amies en Allemagne, en Corse, en Angleterre, dont parfois le souvenirs’estompe…

Un univers à la Lewis Carroll.

 

Anne Serre a obtenu, pour ce recueil, le prix Goncourt de la nouvelle 2020.

Extraits

Pages 38-39 dans « Fort comme un Turc » :[…] Il maniait doucement et délicatement le revolver, l’air de réfléchir. Je me dis que cet objet avait sans doute appartenu à son père et qu’il en était le dépositaire. Je me dis que lorsqu’il rêvait dans son bureau, cet objet, pour l’une ou l’autre raison que j’ignorais, devait servir à sa rêverie, l’accompagner. J’étais sûre qu’il ne songeait ni à se tuer ni à tuer quiconque ; il n’était pas homme à tuer. Mais j’ai pensé alors qu’il ne fallait peut-être pas aller surprendre, même pour jouer, un amant dans sa vie conjugale, un amant dans son autre vie. Que c’était peut-être cela qui pouvait tuer. Les gens ont bien le droit d’avoir deux vies. Il me semble même beaucoup plus naturel qu’ils en aient deux qu’une seule. Une personne qui a une seule vie, un seul visage, me parait d’une certaine manière plus inquiétante qu’une personne qui a une double ou triple vie. »

Page 74 dans « A travers champs » :« Nous n’avons jamais revu Charles ni Jeanne qui l’épousa l’été suivant. Dans les nouvelles, les romans, il y a souvent des chutes en forme d’explication qui permettent d’avaler une histoire et de bien la digérer. Dans la vie, parfois, il n’y en a pas. Quelque chose de terrible et d’inattendu se produit, que certainement la psychologie expliquerait, mais ni Robert ni moi ne sommes de grands psychologues. Pour lui, je ne sais pas, mais en ce qui me concerne, j’ai toujours ressenti les ruptures comme venant du ciel, comme décidées par le destin qui travaille avec acharnement à la tapisserie de votre vie. Et jusqu’ici, rien n’a démenti cette impression. »

Page 119 dans « Un péché »:« Ne pas répondre à son désir est un péché lui disais-je. Et cette fois il protestait, mais je voyais bien qu’il n’en pensait pas moins. Mon père était très fin. 

C’est un péché car il faut vivre, car la mort nous attend, car aller droit vers ce qu’on aime est la seule direction qui vaille. Et, de plus, disais-je à mon père avec qui j’avais ce genre de conversations, quand je pense à la véritable peine, au chagrin que me causent ces personnes me regardant avec méfiance, hostilité, mais intérêt aussi – pourquoi ne me repoussent-elles pas ? Pourquoi sont-elles si curieuses de moi ? -, je m’étonne qu’elles ne prennent jamais, par ailleurs, la mesure de mon courage. 

Mais c’était peut-être la mesure que prenait tante Amélie en me regardant de manière circonspecte. »

« Au coeur d’un été tout en or », Anne Serre, Mercure de France.

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