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FULMARD

 

Je sais, je sais, ça vire à l’obsession ! Jean Echenoz fait partie de ma vie… enfin surtout de ma bibliothèque. Et ça fait des années que ça dure ! Il vient de publier son dix-huitième roman. Je n’en ai lu que seize… Vous pouvez en trouver ici ou encore .

Celui-ci renoue, je trouve, avec l’ambiance des premiers romans, tous publiés depuis le début aux Editions de Minuit. C’est barré, foutraque, drôle et, évidemment, terriblement bien écrit.

Je vous raconte ? La vie de Gérard Fulmard est, comment dire, morne, triste et un peu désoeuvrée.

 

 

Ancien steward, il a dû quitter son travail. Malgré lui. Mais en conséquence d’une décision judiciaire dont on connait pas la nature. Bref, il vit dans l’appartement de la rue Erlanger autrefois occupée par sa mère. La rue Erlanger, oui. Celle dans laquelle Mike Brant a trouvé la mort en se jetant d’une fenêtre. Celle aussi ou, six ans plus tard, un étudiant japonais et cannibale se rendait célèbre après avoir « cuisiné » une jeune femme…

Le roman s’ouvre sur un autre événement. La chute d’un morceau de vieux satellite pile sur le supermarché où il a l’habitude de faire ses courses… Le premier de ses soucis. Qui vont se succéder. Pas le plus grave au final.

La vie de Gérard Fulmard change de dimension le jour où il décide de créer sa propre agence, Cabinet Fulmard assistance. CFA, donc. Et voilà notre anti-héros qui se retrouve « homme de main » au sein de la Fédération populaire indépendante ( FPI), petit parti extrémiste en proie à des difficultés de direction alors que la tête d’affiche de la petite structure aurait été enlevée… 

De péripétie en rebondissement, telle celle d’un saint, la vie de Gérard s’offre à nous yeux et nos zygomatiques. Pour la première fois, Jean Echenoz use du « je » et dépend un personnage pas perspicace pour deux sous, un pantouflard qui se rêve en Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117… 

 Une histoire qui reprend les codes du roman noir. Jean Echenoz est de retour, et c’est une (très) bonne nouvelle ! 

 

 Extraits

Page 17 : « […] A part ce nom, je ne suis pas sûr de provoquer l’envie : je ressemble à n’importe qui en moins bien. taille au-dessous de la moyenne et poids au-dessus, physionomie sans grâce, études bornées à un brevet, vie sociale et revenus proches de rien, famille réduite à plus personne, je dispose de forts peu d’atouts, peu d’avantages ni de moyens. Encore heureux que j’aie pu reprendre ces deux pièces et demie après le décès de ma mère, elles étaient locativement les siennes et je n’ai pas changé les meubles. C’est là qu’à présent je me tiens, fenêtres entrouvertes sur une rue peu passante. Elle a beau être située dans le quartier d’Auteuil contenant principalement des gens à l’aise, il n’empêche qu’elle n’est pas bien gaie, la rue Erlanger. Sur elle aussi, je reviendrai. » 

Page 106 : « Considérant les événements récents, j’ai dressé un bilan et deux conclusions s’imposaient. La première : chaque fois que j’avais cru tenir une affaire, elle avait tourné très vite court. La seconde : j’avais eu finalement de la chance, ç’aurait pu être pire mais au moins j’aurais essayé. Et me retrouvant au point de départ, me suis-je dit, peut-être pourrais-je aller prendre conseil auprès de Bardot. Même s’il avait mon dernier commanditaire et si j’avais échoué dans l’exécution de ses consignes, il me tenait avant tout lieu de thérapeute : en tant que tel, je voulais croire qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur. « 

Page 167 : «  Quand j’ai appelé le lendemain matin, j’étais à ma fenêtre où souvent je me poste quand je n’ai rien à faire, très souvent. Je guettais un fait nouveau dans la rue Erlanger, n’importe lequel m’aurait suffi mais je sais bien qu’il ne s’en produit guère, ce n’est pas tous les jours qu’un chanteur de charme s’y jette de son balcon ni qu’un fils de famille jaune y ingurgite une étudiante blonde. Je ne doute que d’autres existences brèves s’y déroulent, comme partout, mais je crains qu’elles ne présentent pas le même intérêt scénique. S’il est cependant une vie qui a failli s’y voir abrégée, c’est celle de la rue Erlanger elle même en 1942, et ici j’ouvre une parenthèse ». 

 « Vie de Gérard Fulmard », Editions de Minuit.

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