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Coup de pompe…

CVT_Chroniques-dune-station-service_9579Rentrée littéraire 

Un objet littéraire non-identifié. Voilà à quoi m’a fait penser « Chroniques d’une station-service », un premier roman, drôle, fantasque, foutraque… et qui nous parle de nous.

Qui ne s’est jamais servi à la station-essence ? Qui n’a jamais profité des toilettes où ça sent le détergent trop fort ? Acheté des sandwiches qui ressemblent à du carton sur la route des vacances dans ces stations-services immenses et sans âme ?

Une expérience, banale, que nous avons tous en commun. Mais avons-nous réellement observé ce qui s’y passait ? Pris en considération ceux qui y travaillent ?

Alexandre Labruffe a visiblement pris le temps d’y voir des choses et d’y déceler des histoires abracadabrantesques !

Son narrateur, pompiste par défaut, s’ennuie ferme. Alors tout est propice à dérouler des intrigues minimalistes, des quiproquos érotiques et des aventures improbables. Le tout, entre trois pleins, des paquets de chips et des cannettes de cola sans sucre…

 Alexandre Labruffe, 45 ans, a été en poste dans des Alliances françaises en Chine puis en Corée du Sud. À cette époque, il a publié avec Benjamin Limonet un récit expérimental à 4 mains, « Battre Roger » (éditions D’ores et déjà, 2008). Depuis son retour à Paris en 2015, il collabore à divers projets artistiques, tout en poursuivant sa thèse en Arts et Cinéma à l’Université Paris-3.

Extraits

Page 15 : 

6. « Lieu de consommation anonyme, la station-service est le tremplin de tous les instincts. 

Ce que je vends le plus : le Coca Zéro 

Le Coca Zéro. Les chewing-gums. Les chips. Les magazines érotiques ou d’automobiles. Les cartes de France. Les sandwichs. L’alcool. Les barres chocolatées ( Mars en tête). Et évidemment l’essence. »

Page 27 : 

17.  » Pour être pompiste, il faut avoir le permis ( 80% des annonces l’exigent) et aimer l’odeur de l’essence ( 100% des annonces l’oublient). 

Moi, j’aime l’odeur de l’essence, l’indélébile odeur de l’essence, ce parfum entêtant et têtu, collant, qui s’incruste, acide, sucré et amer, partout, en tout.

Il faut aimer  la routine aussi. La routine et l’ennui que j’essaie de tromper, attendant les clients, en regardant des films sur la télévision accrochée au mur derrière le comptoir ; des films que je regarde en boucle, quand je ne joue pas au dames aux Nietzland. 

Il faut enfin aimer les non-lieux (les néons et les non-lieux) et les filles qui aiment l’odeur de l’essence. Certaines filles en raffolent, me collent dans les soirées, me sniffent quand je leur dis que je suis pompiste. 

Contrairement aux idées reçues, les filles aiment les odeurs fortes. « 

Page 62-63 : 

80. « Le damier posé entre nous. Nietzland est sidéré :

- Mais pourquoi tu es parti en courant, Beauvoire ? Je te comprends pas. Il suffisait de l’embrasser. Elle te tendait les bras, et toi tu fais quoi  : tu fuis ?! Merde. A mon avis, elle est en dépression maintenant. C’est sûr, elle ne voudra lus jamais te revoir. 

- Oui, j’ai honte, je sais pas ce qui m’a pris, j’ai paniqué, je crois. Elle est revenue de la salle de bains avec son peignoir à moitié ouvert, presque nue, et là… j’ai horreur des peignoirs, tu sais bien, de la nudité aussi…, et la vérité, pour tout te dire, j’avais sa culotte qui dépassait de ma poche… 

- Qu’est-ce que tu faisais avec sa culotte dans la poche ? 

- Oh laisse tomber… C’est trop compliqué à… 

Un client me commande une bouteille de bière fraîche. je lui sers une Meteor. Nietzland déplace un pion. Je comprends qu’il s’oriente vers le coup du caméléon. 

Il a l’air pensif :

- Tu vois, au Japon, il y en a qui se feraient hara-kiri pour moins que ça. »

« Chronique d’une station-service », Alexandre Labruffe, Verticales, 15€

 COUP DE POMPE

 

 

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