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Rentrée littéraire  
DEMANDE TIERS«  La folie n’est pas donnée à tout le monde. Pourtant j’avais essayé de toutes mes forces.  »
C’est le genre de fille qui ne réussit jamais à pleurer quand on l’attend. Elle est obsédée par Bambi, ce personnage larmoyant qu’elle voudrait tant détester. Et elle éprouve une fascination immodérée pour les requins qu’elle va régulièrement observer à l’aquarium.
Mais la narratrice et la fille avec qui elle veut vieillir ont rompu. Elle a aussi dû faire interner sa sœur Suzanne en hôpital psychiatrique. Définitivement atteinte du syndrome du cœur brisé, elle se décide à en savoir plus sur sa mère, qui s’est suicidée lorsqu’elle et Suzanne étaient encore enfants.
Elle retourne sur les lieux, la plus haute tour du château touristique d’où sa mère s’est jetée. Elle interroge la famille, les psychiatres. Aucun d’eux ne porte le même diagnostic. Quant aux causes  : « Ce n’est pas important de les savoir ces choses-là, vous ne pensez pas ? »
Déçue, méfiante, elle finit par voler des pages du dossier médical qu’on a refusé de lui délivrer.
Peu à peu, en convoquant tour à tour Blade Runner, la Bible ou l’enfance des tueurs en série, en rassemblant des lettres écrites par sa mère et en prenant le thé avec sa grand-mère, elle réussit à reconquérir quelques souvenirs oubliés.
Mais ce ne sont que des bribes. Les traces d’une enquête où il n’y a que des indices, jamais de preuves.
La voix singulière de Mathilde Forget réussit à faire surgir le rire d’un contexte sinistre et émeut par le moyen détourné de situations cocasses. Sur un ton à la fois acide et décalé, elle déboussole, amuse et ébranle le lecteur dans un même élan.

Mathilde Forget, auteure, compositrice et interprète signe là son premier roman plein d’humour décalé et grinçant. Un pas de côté pour aborder des questions profondes, graves. Essentielles. 

Elle nous en parle ici  :

 

Extraits

Pages 26-27 : « Jacques a dit :  » Ne devient pas fou qui veut. » Je ne suis pas spécialement lacanienne, mais sans connaître cette phrase j’ai pensé il y a quelques temps que la folie n’est pas donnée à tout le monde. Je ne suis pas non plus freudienne. Et d’ailleurs je me méfie de Sigmund, je sais que Bambi a été créé par l’un de ses proches amis, le romancier Felix Salten.

La folie n’est pas donnée à tout le monde. Pourtant j’ai essayé de toutes mes forces. C’était après avoir passé plusieurs heures à répéter, Bambi est un connard, Bambi est un connard, Bambi est un connard… effondrée sur le carrelage trop propre de ma cuisine. Un jour une amie m’a dit : « C’est tellement vide et propre chez toi, on dirait l’appartement d’un psychopathe. » C’est vrai, je pourrais être une psychopathe mais je crois que mon goût pour les intérieurs austères et ordonnées me vient surtout de mon éducation protestante. « 

Page 35 : « Grâce aux médicaments, Suzanne dit oui à toutes mes propositions d’activités, ce qui me permet de m’améliorer à la belote. Une grande soeur cesse forcément un jour de jouer avec sa petite soeur, à l’hôpital psychiatrique je peux me venger. Pour la belote, on s’installe dans sa chambre. On est souvent interrompues par un patient qui cherche la télécommande. Il n’y en pas qu’une seule pour tout l’hôpital, alors pour changer de chaîne il faut partir à sa recherche. » 

Page 76 : « On a rompu sur un banc. J’ai voulu pleurer pour réhabiliter mon coeur. Je l’ai prise dans mes bras pour qu’elle ne voie pas mon visage. J’ai fait en sorte que des larmes viennent et peu importe de quel chagrin. J’ai pensé à la mort de Cathy Cesnik, assassinée le 7 novembre 1969 à Baltimore car elle s’apprêtait à révéler de nombreux viols et agressions sexuelles commis par des prêtres sur des enfants au sein de l’école catholique où elle enseignait le théâtre et l’anglais. Penser à soeur Cathy me fait pleurer. Quand j’a senti les larmes monter, je lui ai montré mon visage. Dans son regard j’ai vu un soulagement. 

Quatre mois après la rupture, j’ai pleuré pendant une semaine sans même avoir besoin de penser à soeur Cathy. Et mon coeur s’est littéralement effondré dans ma poitrine pour finir au fond de mon ventre. J’ai donc bien un coeur, mais il n’est plus au bon endroit. »

« A la demande d’un tiers », Mathilde Forget, Grasset. 

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