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Rentrée littéraire 

Jeffrey Eugenides est de retour ! Profitons-en ! L’auteur américain, lauréat du prix Pulitzer, excusez du peu, écrit un livre… tous les neuf ans. Après « Virgin suicides » ( salué par la critique et adapté au cinéma par Sofia Coppola), « Middlesex » et « Le roman du mariage », le sexagénaire est de retour avec un premier recueil de nouvelles « Des raisons de se plaindre ».

DES RAISONSNouveau format donc pour celui qui nous parle de l’Amérique d’aujourd’hui. Toujours. Les dix nouvelles réunies dans son recueil ont été écrites et publiées ( dans le New Yorker) au fil des trente dernières années.

Là, souvent réécrites ou lissées, indiquent des journalistes, elles évoquent des illusions perdues, nous font rencontrer des couples dysfonctionnels, et une middle-class américaine perdue… entre consumérisme et perte des valeurs morales. Bref, gros coup de spleen sur les USA !

J’ai préféré les plus récentes des nouvelles compilées là. A chaque nouvelle histoire, le ou les personnages principaux ( en majorité des hommes, donc), se trouvent à un carrefour de leur existence. Ils ont fait des choix, ou subissent ceux faits à leur insu. Font, dès lors, preuve de mauvaise foi, ou déni… ou de culpabilité.

Tous aussi ont des questions prosaïques à régler : l’argent est au coeur de toutes ces nouvelles ou presque. Qu’ils en rêvent, qu’ils en manquent, qu’ils le volent ou trouvent des stratagèmes pour le détourner. Mais rien ne se passe jamais comme prévu…

Si vous n’avez jamais vu le film « Virgin suicides », voici la bande-annonce diffusée à l’époque

 

Extraits 

Page 109 dans « Musique ancienne » : 

« Les femmes qui travaillent vraiment ne manquaient pas. Rebecca n’était pas l’une d’elles voilà tout. Aujourd’hui, dès qu’une femme exerçait une activité, on disait qu’elle travaillait. Un homme confectionnant des souris en peluche était considéré, au mieux, comme pourvoyant mal aux besoins de sa famille, au pire, comme un minable. Alors qu’une femme titulaire d’une maîtrise et d’un quasi-doctorat en musicologie, et qui cousait à la main des rongeurs parfumés micro-ondables, était à présent considérée ( surtout par ses amies mariées) comme un entrepreneur ». 

Pages 205-206 dans  » Des jardins capricieux  » :

« […] L’idée de ce quinquagénaire corpulent se jetant du haut d’une falaise, Maria la trouve comique. Les yeux de Malcolm sont humides, elle le voit, mais la sincérité de son émotion ne fait que le lui rendre plus lointain encore. C’est peut-être vrai qu’il a envisagé de se suicider, c’est peut-être vrai que ce repas ( comme il le soutient) le ramène maintenant à la vie, mais c’est une erreur de penser qu’elle, qui le connaît à peine, puisse partager sa peine ou sa joie. Un instant, elle se reproche son manque de compassion pour Malcolm ( avec des trémolos dans la voix, il décrit « les jours très sombres » qui ont suivi le départ de sa femme), mais cet instant passe vite. Inutile de se voiler la face : elle ne ressent rien. Elle donne un petit coup de pied à Annie sous la table. Annie esquisse un sourire puis se cache la bouche derrière sa serviette. Maria frotte son pied contre le mollet d’Annie. Annie retire sa jambe Maria ne la trouve plus. Elle la cherche du bout de sa chaussure et guette le regard d’Annie pour pouvoir lui faire un clin d’oeil, mais Annie garde les yeux rivés sur une assiette. »

 Page 231 dans « Fondements nouveaux » :

« Comme la plupart des honnêtes gens, Kendall rêvait parfois de commettre des actes illicites. Mais les jours qui suivirent, il se surprit à nourrir ces rêves avec une assiduité suspecte. Comment détournait-on de l’argent quand on voulait le faire bien ? Quelles étaient les erreurs les plus fréquentes ? Comment se faisait-on prendre et à quelles sanctions s’exposait-on ? « 

« Des raisons de se plaindre », de Jeffrey Eugenides, les Editions de l’Olivier, 22,50€. Traduction de Olivier Deparis.

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