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TANGUY COLERE A DISPARU

 

« Tanguy Colère a disparu »

Nous voilà prévenus !  Au fil des pages, reste à savoir pourquoi. Et où peut désormais se trouver cet ancien militant antifasciste, leader charismatique.

Raphaëlle Riol signe là un quatrième roman à plusieurs voix qui nous dresse le portrait aiguisé d’un homme plein de failles, de secrets et de contradictions derrière ses discours longtemps jusque-boutistes.

Tanguy s’est vu attribuer le surnom devenu patronyme de « Colère ». Il est de tous les combats, quitte à user de la violence. Celle qui tuera d’ailleurs son frère Tony.

De quoi donner le ton. Mais, cela, c’était avant.

Un soir d’août 2016, Tanguy disparaît. Juste après l’incendie volontaire qui ravage la fameuse « Villa Dollar » dans l’enceinte de laquelle le quadragénaire s’est installée depuis plusieurs mois, tombé en amour pour cette propriété baroque au jardin somptueusement sauvage, appartenant à une héritière américaine, Poppy Philipps, dite « Poppy Peau Rouge ». Là, l’ancien militant devenu paysagiste a beaucoup changé. C’est en tout cas ce que se dit Xavier, devenu enseignant, et vieil ami, perdu de vue plusieurs années.

Deux mois après la disparition de l’imprévisible Tanguy, Xavier raconte. Idem pour Mia, jeune femme serveuse au service d’un patron véreux, ex-conquête éphémère de Xavier et qui se vivra une aventure avec Tanguy.

 

 

Madeleine débarquera également dans le Sud. La cousine de Tanguy veut régler des comptes, comprendre pourquoi Maurice, leur oncle inventeur célibataire, a légué à Tanguy sa fortune de plusieurs millions d’euros. Djibril, le SDF qui squatte le jardin en échange d’en assurer la surveillance, explique aussi sa relation avec l’ancien leader d’un groupe autonome. Tout comme Julien, toujours militant, descendu de Paris, qui a besoin de réponses.

Page après page, les uns après les autres, ils dressent le portrait de l’absent. Et racontent aussi notre époque. Mais à quarante ans passés, comment survit-on à ses révoltes ?

Un roman vraiment bien mené.

Extraits

Page 33  (Xavier)  :

« C’est l’automne dans ma tête, dans mon corps et jusque dans mes amitiés, ça sent le moisi. J’ai l’impression de dégager de vieux relents de pourriture à chacun de mes déplacements. 

Voilà dix semaines que nous sommes sans nouvelles de lui. Ça lui est déjà arrivé de se volatiliser, parfois même plusieurs fois. Cette fois-ci, je ne sais pas comment dire… je n’ai pas de mauvais pressentiment, je ne suis pas du genre angoissé… Le chercher ne sert à rien, c’est vain. 

Tanguy, c’est l’histoire célèbre de ce truc indispensable et familier que tu perds et que tu passes des heures à chercher. Tu t’agaces pour rien, tu retournes tout, tu t’excites et tu jures comme un demeuré. Et c’est justement quand tu ne le cherches plus qu’il réapparaît. Comme un pied de nez du sort à ton acharnement et à la possessivité maladive. « 

Page 93 ( Mia) :

 » Les murènes de mes nuits me ramènent à Tanguy. 

Il dormait mal lui aussi. Il m’a raconté que les heures où il ne dormait pas, il lisait. Et quand il ne parvenait pas à lire ou que le livre ne faisait pas effet, il sortait marcher. (Paris n’avait plus de secrets pour lui tant il avait sillonné ses rues tard dans la nuit ou au petit matin. C’est ce qu’il prétendait.) On avait les mêmes symptômes, Tanguy et moi : les jambes brûlantes et les nerfs impatients, l’impossibilité de trouver un coin frais sous les draps et puis cette sensation insupportable d’engourdissement progressif, les fourmis dans les membres, une armée soudaine de fourmis acides déterminées à te ronger. C’est comme si le corps exigeait sa verticalité sans délai. Comme si ton corps te hurlait  : “Lève-toi eu crève ! Maintenant ou jamais !” « 

 Page 232 (Madeleine) :

« Comme une grosse bête que la colère aurait enflée, il a fini par éclater. Je suis devenue faible à ses yeux. Je tremblais. Je flanchais. A l’image de ses frères, j’étais faillible, alors que lui s’était endurci. Un roc. Il donnait l’impression de ne plus avoir peur de rien. Même pas de lui. Et ma peur et mes réticences, et celles de Xavier, l’ont écoeuré. Entre lui et nous, un épais mur de plantes puissantes, de racines, a poussé. Le suc amer a coulé. Haro sur nos présences timorées si décevantes. Trop de pleutrerie, pensait-il. Il a laissé les autres rongés par le questionnement, l’acidité perforatrice de la stupeur et de l’incompréhension. 

Et puis, la mort de Tony. 

Le soir de l’anniversaire de Xavier, on aurait dit qu’il n’y avait plus rien, qu’il était vide. L’apaisement lui seyait mal. Tout cela sentait la lâcheté Rien que ça  : la lâcheté. La lâcheté et l’abandon […] »

 « Tanguy Colère a disparu », Raphaëlle Riol, la brune au rouergue, 20,80€

 

 

 

 

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