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COWBOY LIGHT

Un premier roman ? Allez, ça fait longtemps que je ne vous ai pas fait découvrir un auteur tout neuf, plein de verve et mots. Avec « Cowboy light » de Frédéric Arnoux,  le voyage vaut le détour.

Le titre accroche, la quatrième de couv annonce la couleur :

 » À droite, des vaches. À gauche, des barres HLM. Au-dessus, des lignes à haute tension. Et pile en dessous : un petit quartier pavillonnaire bisontin, tout près de l’usine Lip alors à l’abandon, avec son dealer raté et deux ferrailleurs qui le rackettent à grands coups de poing. Quand le narrateur-dealeur rencontre une bourge deux fois plus âgée que lui lors d’une soirée en Suisse, il s’imagine devenir gigolo – ils baisent, boivent, se défoncent et finissent même par se marier dans une chambre d’hôtel à Séville. Sauf qu’il a un cœur d’artichaut. Sauf que cette femme ne lui a pas tout dit. »

 

Résultat ?

Un roman noir au style trash mais léché, qui évoque avec humour l’ennui d’une province dans les années 80, mais aussi comment l’amour peut détruire plus qu’il ne soulage. Un (premier) roman efficace.

Frédéric Arnoux, quadragénaire et intermittent dans l’audiovisuel, signe avec « Cowboy light » son premier roman.  Il a également été créatif dans la pub, femme de ménage dans une maison de retraite, emballeur de palettes, vendeur de plaquettes publicitaires en porte-à-porte, guetteur d’alarmes dans une usine de pétrochimie, videur de semi-remorque à main nue, plante verte la nuit dans un hôtel… Il vit aujourd’hui à Paris.

Extraits

 Page 16: « Quand j’étais môme, je m’imaginais volant sur le dos des cigognes, bien au chaud dans les plumes. Puis un jour, badaboum, je serais tombé pendant la sieste. La Ginou et Tonton m’auraient trouvé comme ça, sur le paillasson, le pouce dans la bouche, un petit sourire déposé par mes rêves. J’ai fini par y croire dur comme fer. A la fête des Mères, pendant que les autres décoraient les boîtes de camembert ou enfilaient des nouilles pour faire un collier, moi je confectionnais un nid. Un petit. A cet âge, un moineau ou une cigogne, c’est du pareil au même. Je découpais des coeurs dans du papier crépon que je collais sur les bords. Au fond du nid, j’en collais un plus gros sur lequel j’écrivais une petite poésie de gosse, un truc cucul la praline. Certains instits s’inquiétaient, d’autres trouvaient ça créatif. Un jour, le maître nous a annoncé qu’on partait en classe verte. Au programme, il y avait découverte d’un nid de cigognes. Je n’en dormais plus. J’allais enfin voir “ma maman que j’aime de tout mon petit coeur” comme je disais à l’époque. Le matin du voyage, j’avais mis mes plus beaux habits, m’étais peigné, et aspergé de Mont-Saint-Michel. J’avais aussi piqué l’appareil photo et l’avais planqué dans mon sac. Un gros, vu que je ne comptais pas rentrer. J’y avais entassé la moitié de mon armoire. »

Page 61 : « Impossible de continuer, j’ai éclaté en sanglots. Je me suis caché le visage dans les mains, et je suis parti au sprint, je chialais comme un gosse, mes larmes dégoulinaient dans le cou, je poussais des cris les dents serrées, le goût de la morve dans la bouche… Expulser, il fallait que ça sorte… j’ai couru… couru jusqu’à avoir mal aux poumons, jusqu’à frôler l’asphysie. Puis je me suis arrêté, plus de souffle, les jambes en coton. Drôle d’impression. Je me sentais mieux, soulagé et en même temps honteux, déprimé. Je me souviendrais toujours de son visage. Au début surpris, puis compatissant, rayonnant d’amour maternel. Exactement ce dont j’avais toujours rêvé ».

Page 137 : « En longue robe blanche. Maquillée. Coiffée comme si c’était vrai. Une mèche s’était échappée de ta coiffure, retombait en boucle sur ta joue. Tes bras se sont ouverts, tu t’es avancée à petits pas. Tes mains sur mes poignets, te bouche m’a effleuré, ton souffle glissait sur mon oreille, j’ai entendu “Oui”. Puis tes yeux ont fouillé les miens. Ils étaient mouillés. Les miens aussi. Deux enfants perdus, agrippés l’un à l’autre. Le bonheur nous chatouillait tout l’intérieur. On se regardait les yeux fermés, en braille, du bout des doigts. Au bout du monde qu’on était. Même de l’autre côté, je crois. Ca donnait envie de s’étouffer dans les bras l’un de l’autre pour y rester. Si ce n’était pas le paradis, c’en était un putain de pavillon témoin. »

« Cowboy light », Frédéric Arnoux, Buchet Chastel, 15€

 

 

 

 

 

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