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Rentrée littéraire

GARCONS ETE

 

Comme un air de printemps en ce lundi ! Je vous emmène cependant bien loin de la Touraine. Cap sur La Réunion, actuellement sous les feux médiatiques entre les visites des impétrants à l’élection présidentielle et les attaques de requins. Une très chouette île – que je connais pour y avoir travaillé – point de départ de ce roman à suspense très bien construit et écrit.

L’auteure ? Rebecca Lighieri… qui signe aussi des romans sous son véritable nom, Emmanuelle Bayamack-Tam. Le dernier en date, « Je viens » était raconté  ici.

Deux identités littéraires donc pour cette auteure, enseignante en région parisienne.

C’est la première fois que j’ouvre un roman écrit par Rebecca Lighieri. A cause d’une chronique. A cause de son double aussi, donc j’avais aimé l’écriture et les histoires. « Les garçons de l’été » est son troisième roman sous ce nom.

Cette fois encore, une histoire de famille. Qui dégénère. Pourtant, sur le papier, tout semble parfait. la famille vit à Biarritz. Jérôme est pharmacien, Mylène, que tous appellent Mi, élève leurs trois enfants, beaux et brillants.

 

Il y a Thadée, l’ainé. Superbe garçon en prépa scientifique. Puis Zachée, étudiant en médecine. Moins flamboyant, il est aussi largement plus sain que son aîné. Les deux frères pratiquent le surf à haute dose. Enfin , il y a Ysé, sage collégienne secrète et un peu étrange qui se liera d’amitié avec Jordy, le jeune frère naïf de Cindy. La jeune fille est peut-être la seule de la famille à avoir, depuis le début, vu clair dans le jeu de son grand frère.

Une belle maison, une vie confortable… et toute la façade se lézarde. Thadée est en rupture. Il a décidé de partir s’installer quelques mois à La Réunion. Pour le surf. Son frère viendra l’y rejoindre le temps des vacances, accompagné de Cindy, l’amour de sa vie. Jasmine aussi est venue. La belle fiancée de Thadée qu’il traite si mal. De toute façon, il n’a d’yeux que pour Anouk, réunionnaise racée et copine de Jérémie.

Lors d’une sortie, Thadée est attaqué par un requin bouledogue. Il perd une jambe. Mylène débarque sur l’île pour prendre en charge son fils et comprendre. Le début d’une longue et ténébreuse descente aux enfers.

Et si Thadée n’était pas vraiment celui qu’elle a chéri si fort ? Si sa famille n’était pas si respectable au fond ?

Le retour en métropole amorce une série de drames. Après la lumière de l’ile Bourbon, avant la catastrophe portugaise, tout se met en place.

Des images de Nazaré (mars 2017), autre spot qui sert de décor au roman

Entre violence et folie, le destin d’un jeune homme se dessine. Terrible. Mais impossible de vous raconter les péripéties que vont connaître cette famille sans gâcher votre lecture.

Laissez-vous convaincre par ce roman noir – vraiment noir.

Les personnages se font tour à tour narrateurs. Racontent leur version, faisant ainsi progresser l’histoire. De quoi appréhender au mieux le rôle de chacun et s’enfoncer dans les pulsions sexuelles et meurtrières de Thadée. Il faut tuer le frère…

 

L’auteure nous raconte la genèse et la construction de son roman

 

Extraits

 Page 147  (Jérôme) : Avec l’amputation de mon fils aîné, quelque chose s’est déglingué. Je me rends compte que mes petits remords, mon vague sentiment de culpabilité, finalement, ce n’était rien par rapport à ce que j’éprouve aujourd’hui. Même si ce qui arrive à Thadée n’a rien à voir avec les frasques et les turpitudes de son père, je ne peux pas m’empêcher d’établir des liens. C’est comme si en trompant Mylène j’avais introduit un ferment de malheur dans la famille. Certes, le ferment a mis du temps, des années même, à répandre la putréfaction, mais désormais la putréfaction est là et je dois faire en sorte qu’elle ne gagne pas plus avant. »

Pages 260-261 (Cindy) : « Les regrets, j’en ai tellement. Trop. Ils me montent à la gorge, menacent de m’étouffer. Parce qu’au fond moi, j’ai toujours en conscience que Thadée représentait une menace pour Zachée. J’ai toujours pensé qu’il était capable de mener une double voire une triple vie, de nous cacher un tas d’activités troubles, de nous mentir sur tout : ses études, ses fréquentations, l’emploi de son temps, – sans parler de la face sombre de ses désirs. Mais tout le savoir que j’accumulais sur Thadée, ses mensonges, mes doutes sur ses agissements et ses motivations, ma conviction profonde qu’il était maladivement jaloux de son frère, tous ce magma bourbeux, je ne l’ai jamais laissé remonter à la surface. J’avais trop peur de faire mal à Zachée, trop peur d’entamer l’amour et la confiance qu’il a continué à vouer à son frère, malgré tout et jusqu’à la fin. Même s’il a eu des doutes, lui aussi.

En fait, l’accident est arrivé au mauvais moment, au moment où il commençait justement à s’émanciper et à prendre du champ. Ensuite tout a été balayé. Zachée se sentait trop mal; trop coupable. Il n’a plus été possible d’émettre la moindre réserve sur son frère. J’ai fermé ma gueule. Je le paye cher aujourd’hui. Tellement cher. »

Page 363 (Ysé) : « Je prie pour toutes sortes de choses. Pour que Thadée meure ou pour que nous n’ayons plus jamais de nouvelles de lui, pour que mon père soit moins triste et pour qu’il m’offre un pogona ou un python royal. Je brûle aussi pas mal de bougies pour que ma mère redevienne ma mère. Je ne suis pas assez bête ni assez optimiste pour souhaiter un impossible retour à la normale, mais quand même, si Dieu existe – le mien ou celui des autres gens –, il doit bien se rendre compte que ma vie d’enfant est épouvantable. »

« Les garçons de l’été », Rebecca Lighieri, P.O.L., 19€.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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