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Sélection prix Roblès 2016

TODAYOn poursuit notre promenade parmi les premiers romans sélectionnés cette année pour le prix Roblès. En attendant la proclamation du nom du lauréat 2016, le 3 juin, voici une nouvelle découverte avec « Today we live » écrit par Emmanuelle Pirotte, scénariste de métier.

Avec  ce roman ramassé, elle nous entraine en Belgique, au coeur de la Deuxième Guerre mondiale. Nous sommes en décembre 1944, en pleine contre-offensive allemande dans les Ardennes belges.

Une petite fille juive, que tous appellent Renée est confiée à deux soldats qui se disent américains. Il n’en est rien. Les deux hommes sont Allemands, infiltrés. Mathias abat son camarade et s’enfuit avec la fillette de sept ans. Pour faire quoi ? Pour aller où ? La guerre les rattrape et la forêt, un temps un abri, ne l’est plus.

De cette rencontre improbable, de cette cavale épique et de cette amitié étrange, Mathias et Renée font faire le socle de leur histoire. Un roman bien mené. Qui tient en haleine. Personne n’y est tout à fait bon ou méchant. Les circonstances sont exceptionnelles, les hommes et les femmes s’adaptent. Et s’arrangent pour survivre.

« Today we live«  a reçu le Prix Edmée de La Rochefoucauld 2016.

Extraits

Page 24 : « Mathias était un maillon de cette machine de destruction. Il était un des membres de l’ogre affamé. Mais cela ne l’empêchait pas de dormir. Il avait pris ce que le système avait de meilleur à lui offrir, en sachant exactement dans quelle merde il mettait les pieds. Et personne ne l’avait obligé à participer à la danse, il s’était invité tout seul.

Depuis quelques mois, la grande fête macabre virait au pathétique. La guerre était perdue et on faisait semblant que c’était tout le contraire. Cette opération Greif était du plus parfait ridicule : quelques pauvres types à peine sortis du ventre de leur mère, braillant l’anglais comme une fermière de Souabe, aussi convaincants en fils de l’Oncle Sam que Goebbels en danseur de claquettes. Même les déguisements étaient lamentables  : pleins d’à-peu-près et d’inexactitudes, comme des costumes de fête d’école pour pauvres. Mais enfin, Mathias avait accepté, ainsi que trois ou quatre des meilleurs de la bande au Balafré. »

Page 60 : « Trappeur dans les forêts du nord de la baie James au milieu des années 1930, Mathias avait vécu seul, côtoyant les Indiens de loin, pour les besoins de la traite. Et puis un jour, son canoë s’était retourné dans les rapides d’Avoine de la rivière Rupert. Chihchuchimâsh l’avait trouvé, agonisant sur une plaque de pierre en bordure de la rivière. C’était le chien de Mathias qui avait attiré la vieille femme jusqu’à lui. Mathias avait le crâne fracassé, mais il s’en était remis, après une forte fièvre qui avait duré une semaine.

Mathias marcha ainsi longtemps, visité par de brèves et puissantes fulgurances, venues du Canada. Malgré son état de confusion, de profonde incertitude, il savait une chose : la forêt lui avait terriblement manqué. Une vraie forêt. C’était la première fois depuis cinq ans qu’il y vivait plus de quelques heures d’affilée. Ses entraînements chez les Brandebourgeois comportaient des parcours dans les bois, et ses missions d’infiltration parmi les résistants du Vercors l’avaient amené à vivre dans la nature, mais il s’apercevait à présent à quel point ces moments avaient été trop rares. »

Pages 180-181 : « “La plupart de tes copains préfèrent se faire buter plutôt que donner des infos. Qu’est-ce que tu veux ? ”

Mathias se figea à la question de Pike. Que voulait-il ? Il se sentait épuisé comme jamais il ne l’avait été. Il en avait par-dessus le képi. Cette guerre avait cessé de l’amuser depuis sa dernière infiltration dans la Résistance française, quand il avait dû abattre trois adolescents, deux garçons de dis-sept ans et une fille de dix-huit, sur la place d’un village. Il leur avait tiré dans le dos alors qu’ils s’enfuyaient, sous les yeux de la mère des garçons, une femme d’un courage exceptionnel qui l’avait hébergé, nourri pendant des semaines. Ce jour-là, il s’était dit qu’il lui était à peu près égal de vivre ou de mourir. Seulement on ne meurt pas si facilement quand on est une bête de guerre surentrainée. C’est plus fort que soi. Renée était venue tout chambouler. De nouveau, il avait en envie de vivre, pour elle, et pour lui. Pour lui avec elle. Il voulait vivre. C’est ce qu’il dit à Pike. Celui-ci eut un sourire désolé, parce que ce n’était pas ce qui était prévu. « 

 « Today we live », Emmanuelle Pirotte, au Cherche Midi, 16,50€. 

Une Réponse à “Quand la guerre force le destin…”

  1. Sandrine dit :

    Bonjour,
    j’ai entendu parler de ce roman il y a peu pour la première fois au cours de la pré sélection pour le prix du roman historique des Rendez-Vous de l’Histoire. Je n’ai pas réussi à savoir si c’était un roman qui jouait sur le pathos (comme souvent avec un tel sujet) ou si c’était vraiment un bon roman, au moins un roman différent…

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