Flux pour
Articles
Commentaires

Sélection prix Roblès 2016

en-attendant-bojangles-223x330 Poursuivons notre découverte des six premiers romans qui composent la sélection 2016 du prix Roblès. Et swinguons en découvrant « En attendant Bojangles ». Voilà un livre singulier, court, truculent, fantaisiste, sensible, vraiment émouvant… déjà couvert d’éloges et de prix !

En janvier, le journaliste et critique littéraire Jérôme Garcin avait prédit, dans sa chronique du Nouvel Obs, un parcours semé de roses à Olivier Bourdeaut. Et croyez-vous qu’il arrivât ? Les libraires aiment beaucoup ce roman, les lecteurs aussi.

« En attendant Bojangles » a déjà été couronné du Grand Prix RTL / Lire. Il a élu Roman des étudiants France Culture / Télérama et est également lauréat du
Prix roman France Télévisions.
Bref, voilà un candidat sérieux pour le prix Roblès !

L’histoire ? Elle est racontée à deux voix. Celle du fils du couple, devenu grand. Celle de son père aussi. Entre eux, l’histoire d’une femme et d’une mère que la folie finira par tuer. Mais avant, quelle vie ? Le couple a de l’argent pour vivre sans contraintes. De toutes manières, il ne les supporte pas.

Alors, Georges et son épouse (qu’il nomme d’un prénom différent chaque jour) vont faire de chaque instant une fête. Font faire un enfant, aussi. Un garçon qu’ils puniront à l’occasion en le mettant devant la télé, un enfant à qui ils feront la classe, un enfant qu’ils élèveront entre fêtes et danses, dont la fameuse « Mr. Bojangles » de Nina Simone…

Le trio se fout des conventions. Entre un grand oiseau exotique presque domestiqué et un sénateur peu orthodoxe, la famille va profiter du temps qu’il reste avant que la maladie et la folie n’emportent la mère de famille. Au fil des pages, on retrouve l’univers de « L’écume des jours », de Boris Vian, une petite musique swinguante, un vocabulaire inventif…  jusqu’à ce que le roman ne bascule dans autre chose, une histoire plus sensible, intime, touchante.

La folie gagne la mère de famille, l’amante. Et ses délires font basculer l’équilibre acquis de haute lutte. Dans la dernière partie de ce court roman, on assiste à la douleur d’un couple confronté à la séparation, à la mort. Une très belle histoire d’amour.  Et une fable bouleversante.

Voici la fameuse chanson qui, tel un refrain qui rythme une chanson, scande le quotidien de ce couple d’éternels adolescents et de leur jeune garçon : 

 

https://youtu.be/eAW3y5l6Dm4

Extraits

 Page 37 :« A l’école, rien ne s’était passé comme prévu, alors vraiment rien du tout, surtout pour moi. Lorsque je racontais ce qui se passait à la maison, la maitresse ne me croyait pas et les autres élèves non plus, alors je mentais à l’envers. Il valait mieux faire comme ça pour l’intérêt général, et surtout pour le mien. A l’école, ma mère avait toujours le même prénom, Mademoiselle Superfétatoire n’existait plus, l’Ordure n’était pas sénateur, Mister Bojangles n’était qu’un bête disque qui tournait comme tous les disques, et comme tout le monde je mangeais à l’heure de tout le monde, c’était mieux ainsi. Je mentais à l’endroit chez moi et à l’envers à l’école, c’était compliqué pour moi, mais plus simple pour les autres. »

Pages 55-56 :« Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l’horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie, je l’avais accueillie les bras ouverts, puis je les avais refermés pour la serrer fort et m’en imprégner, mais je craignais qu’une telle folie douce ne soit pas éternelle. Pour elle, le réel n’existait pas. J’avais rencontré une Don Quichotte en jupe et bottes, qui, chaque matin, les yeux à peine ouverts et encore gonflés, sautait sur son canasson, frénétiquement lui tapait les flancs, pour partir au galop à l’assaut de ses lointains moulins quotidiens. Elle avait réussi à donner un sens à ma vie en la transformant en un bordel perpétuel. Sa trajectoire était claire, elle avait mille directions, des milliers d’horizons, mon rôle consistait à faire suivre l’intendance en cadence, à lui donner les moyens de vivre ses démences et de ne se préoccuper de rien. »

Page 130 :« Malheureusement, au bout de quelque temps, le déménagement du cerveau de Maman recommença par intermittence. Des coups de folie furtifs qui débarquaient en un clin d’oeil, comme ça, pour un détail, pendant vingt minutes, un heure, et s’enfuyaient aussi rapidement qu’un clignement. Puis, pendant des semaines, plus rien. Durant ses passages de folie furieuse, il n’y avait plus seulement le pin qui était une obsession, tout pouvait le devenir du jour au lendemain. Un jour, c’étaient les assiettes qu’elle avait voulu changer. Parce que le soleil l’éblouissait en se reflétant dans la porcelaine, elle les avait soupçonnées de vouloir nous rendre aveugles. »

 « En attendant Bojangles », Olivier Bourdeaut, Finitude, 15,50€.

Laisser un commentaire

*