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Rentrée littéraire hiver 2016

BOUCHE HIVERNouvelle année, nouvelles découvertes  ! Ça tombe bien, nous sommes en pleine rentrée littéraire… Le cru 2016, est moins conséquent que celui de l’hiver 2015. Ça nous laissera donc plus de temps de (re)découvrir des auteurs et de plonger, la tête la première dans l’univers de nouveaux venus.

Au programme donc, 476 nouveaux romans contre 549 à la même époque l’an dernier. Parmi eux, 308 romans francophones et 168 romans traduits. Et, au total, 73 premiers romans.

En attendant de les découvrir, je vous invite à entrer dans l’univers de Frédérique Clémençon, que j’avais découvert avec l’ouverture de ce blog. Ses deux premiers romans « Une saleté », en 1998 et « Colonie » en 2003 m’avaient beaucoup plu. Après « Traques » et « Les petits » (pas lus), elle revient avec « L’hiver dans la bouche », un roman que j’ai choisi pour son titre et en souvenir du style, plutôt féroce, de l’auteure.

Frédérique Clémençon est née dans la Vienne et vit aujourd’hui à Poitiers. Elle a publié ses deux premiers romans aux Éditions de Minuit, puis les deux suivants aux éditions de l’Olivier. Ce nouvel opus est publié chez Flammarion.

L’histoire ? C’est celle d’Antoine et de Jeanne, des quadras fatigués de leur vie commune, parents de deux enfants. Dix-huit ans de mariage s’envolent après une discussion vive. Antoine s’en va. Jeanne, trop effacée pour s’en remettre, essaye de se réparer. Deux ans après la séparation, on la retrouve en partance pour New-York. Elle a gardé des lettres d’Antoine. Elle lui répond par texte interposé. Elle essaye de se sauver. Pas simple. Alors elle rouvre les blessures pour mieux faire son deuil. Ses tentatives échouent. Jusqu’à la mue.

Voilà un roman sensible qui nous raconte le parcours intérieur d’une femme qui apprend le désamour. Jusqu’à sa mue. Pour continuer.

Extraits

Page 49 :« Partageant, en somme, avec Antoine, la volonté farouche de ne rien reproduire qui lui déplût ou lui inspirât du dégoût, elle pensait que, de son côté, celui-ci avait reconnu en elle son alter ego, quelqu’un qui ne s’en laisserait pas conter et avait pris le parti sans doute naïf, mais sincère, de la liberté, du renoncement joyeux à ce que leurs parents leur avaient transmis de plus funeste, de plus sinistre, une prison dans laquelle ils ne voulaient à aucun prix demeurer plus longtemps.

Qu’ils se fussent rencontrés en terre hostile, comme ils se le rappelaient quelquefois, n’avait pas été sans conséquence sur leur avenir. »

Page 121 :

Les étagères vides.

Les vêtements oubliés.

Les papiers griffonnés, l’écriture d’Antoine.

Les livres et les disques qu’elle lui avait offerts, abandonnés.

Dormir.

Ne pas s’endormir.

Se réveiller en pleine nuit.

Déployer de multiples ruses pour goûter les nuits d’insomnie, malgré tout.

S’étendre auprès de l’enfant et le renifler encore. Ainsi allongée contre son corps oublieux et chaud, indifférent à sa présence, elle se rendormait une heure et deux. Quelquefois même il la découvrait au matin à côté de lui, mi-amusé mi-inquiet, elle avait dormi jusqu’au matin   » […]

Page 137 : « Et s’ils recommençaient ? S’ils se donnaient une seconde chance ?

Il ne lui avait pourtant pas échappé que la voix d’Antoine, ou bien certains de ses gestes, de ses propos, lorsqu’il passait prendre les enfants, s’installait à la place qui était la sienne auparavant, près de la fenêtre, dans un vieux fauteuil en cuir aux accoudoirs griffés, une affaire, trouvée pour trois fois rien dans une brocante parisienne, Antoine attrapant le premier objet qui lui tombait sous la main afin d’éviter son regard, il ne lui avait pas échappé que tout cela s’asphyxiait. Les paroles d’Antoine, attendues, gênées, avaient fini par lui être pénibles, non à la manière d’un insecte dont le bruit agace et qu’on veut écraser, mais d’un couteau qu’on remue dans la chair : Jeanne contemplait dans un même instant sa douleur et sa joie, voulait qu’Antoine se tût et parlât sans fin, prononçât mes mots qui autoriseraient son pardon et nourriraient sa colère. Elle n’entendait, dans la voix d’Antoine, dans la banalité forcée de leurs conversations, qu’une douceur contrôlée, une amabilité polie, le rappel douloureux, grimaçant, d’heures joyeuses et mortes. »

« L’hiver dans la bouche », Frédérique Clémençon, Flammarion, 17€.

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