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Drame dans le ressac

couv plus rien que les vagues et le vent

Cannon Beach, vous connaissez ? C’est dans cette cité du littoral ouest des Etats-Unis que Christine Montalbetti a posé le cadre de son nouveau roman « Plus rien que les vagues et le vent », paru à la rentrée littéraire de septembre, chez P.O.L.

Après deux derniers romans qui se déroulaient au Japon, l’auteure revient à ses amours américaines.

Christine Montalbetti est maître de conférence en littérature française à Paris-VIII, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages tous publiés chez P.O.L.

L’histoire ? C’est celle du narrateur, un Français dont on ne saura rien. Il débarque à Cannon Beach, s’installe dans un motel de cette petite ville et prend ses habitudes chez Moses.

 

 

Là, au coin du zinc, il rencontre Colter, Shannon et Harry Dean. Trois hommes aux parcours de vie cabossées. L’un a découvert, adolescent, que celui qui l’avait élevé n’était pas son père ; un autre a vu son fils s’enfuir. Enfin, la femme et les enfants d’un troisième ont fini par quitter la maison dont il ne pouvait plus payer les traites. Le narrateur les écoute. Jusqu’au jour où, là, au bord de l’océan Pacifique ( l’un des personnages de ce roman à l’ambiance mystérieuse et pleine de suspense), tout bascule. Pourquoi ?

Au fil des pages, l’histoire se construit lentement. Il faut accepter de suivre le narrateur jusqu’au bout. Entre houle et ressac, vagues et tempête.

 

L’auteure lit les premières pages de son roman et en explique la génèse

Extraits

Pages 86-87 :« L’océan, ce n’était pas tellement qu’ils y pensaient, c’était sa présence constante. C’était ce qu’il y avait, dans l’océan, d’indépassable, ce paysage entêtant dans lequel ils vivaient, et auquel ils avaient fini par ressembler.

Et c’était à force qu’ils l’entendent s’écraser violemment sur le rivage, essoufflé, volontaire ( effritant, érodant, insinuant partout son venin salé), vindicatif, écumant d’une rage inexplicable. A force qu’il leur impose le spectacle de sa colère sans fondement, une colère immémoriale avec laquelle il frappe la côte  toujours la même furie, le même énervement immotivé et somptueux. »

Pages 111-112 :« Dans l’odeur humide, mais chaleureuse, du bar de Moses (rien à voir, pensait Colter, avec l’odeur de moisi dans la maison d’enfance, l’eau qui infiltrait les murs de ciment, tachés, bientôt cloqués, comment ça travaille, là-dedans, les champignons, tout ça), dans ce mélange qui flottait là d’exhalaisons de l’océan proche et de vapeurs de bière ( autre chose, se disait encore Colter, que les relents aigres de la maison sans fondations où il avait vécu vaille que vaille les seize premières années de sa vie entre la mère et le faux père) ( et est-ce que quelque chose l’avait alerté, à l’époque, j’en profite pour poser la question, à propos du faux père, sans qu’il se le formule exactement, quelque chose de plus, je veux dire, que ce sentiment d’étrangeté qu’on éprouve toujours, à un moment ou à un autre de l’enfance ou de l’adolescence, cette fable de l’adoption, vous avez bien dû vous la raconter, qui généralement nous traverse, car il y avait sans doute eu un moment où il s’était inventé que le père était faux tout en croyant par en dessous que c’était bien le vrai), dans cette odeur faite de sel et de houblon, d’iode et d’orge germée, Colter essayait  de se recomposer. »

Pages 241-242 :« La bagarre, il faut croire que de temps en temps ça vous manque, quand vous habitez face à l’océan furieux qui vous rebat les oreilles de sa violence et que pour le reste le temps ici est comme du plomb, immobile, figé, nu et vide. L’homme de main de McCain s’en donnait à coeur joie, sans hâte, en dégustant l’instant.

La douleur, c’est difficile à décrire, la fulgurance que c’est, comment c’est aigu et mat à la fois. Mais la douleur physique, ce n’était pas seulement ce qui m’occupait, pendant que le type cognait, ménageant des pauses pour que tout ça ne finisse pas trop vite. C’était leur présence à eux, leur présence muette, comment ils laissaient faire.

Ca qui était plus blessant que les blessures, l’idée glaçante de leurs corps debout, immobiles, dans la nuit océanique. »

Mon avis

Que gardera l’océan de cette histoire ? Allez savoir. Reste que la langue de Christine Montalbetti, pour peu qu’on veuille la suivre, sait raconter des histoires et créer un suspense au fil des pages. Le tout dans un décor borné et rempli par l’océan, personnage à part entière de ce roman peut-être un peu déroutant au départ. Reste à se laisser porter.

« Plus rien que les vagues et le vent », Christine Montalbetti, P.O.L., 16,90€.

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