Flux pour
Articles
Commentaires

jardinUn premier roman a ceci d’excitant qu’on suppose avant de l’ouvrir que son auteur a tout donné pour le voir enfin exister. C’est donc souvent avec gourmandise et toujours avec curiosité que je file vers la pile de ces primo-romans.

« Dans le jardin de l’ogre » de Leïla Slimani faisait partie, à la rentrée littéraire de septembre de ces premiers romans qui ont su s’attirer une bonne presse. Encore une bonne raison d’y plonger, me direz-vous.

Et puis il y avait son sujet : celui d’une trentenaire à la vie plus que satisfaisante (un mari, un enfant, un travail, de l’argent et une confortable) qui se perd cependant dans des aventures sexuelles,  une double vie dont elle ne retire cependant aucun plaisir.

Un rôle généralement occupé par un homme dans la littérature. Le voir à travers les yeux d’une femme pouvait être attrayant.

 

L’histoire ? C’est donc celle d’Adèle, issue d’un milieu populaire et qui évolue, grâce à son mariage, dans la bourgeoisie parisienne. Elle n’aime pas son poste de journaliste (obtenu par piston) et l’idée même d’avoir à travailler ; elle ne partage que peu de choses avec Richard, son mari médecin même si elle dit l’aimer et a encore bien du mal à se comporter comme une maman avec son fils, Lucien.

Pour mettre de la distance entre elle et son quotidien qui semble la scléroser, elle partage des lits qui ne sont pas les siens, couche avec des hommes qu’elle ne reverra pas, s’avilit parfois. Pour le plaisir ? Même pas. Pour ne pas mourir peut-être.

Deux vies étanches l’une à l’autre qui finiront pourtant par se télescoper alors que son mari est victime d’un accident de deux-roues. Le simulacre d’équilibre qui existait jusque-là entre les vies d’Adèle s’effondre.

De Paris, la famille s’installe à la campagne. Adèle doit guérir. Pas sûr qu’elle en ait vraiment envie…

Extraits

Page 17-18 :« Adèle n’aime pas son métier. Elle hait l’idée de devoir travailler pour vivre. Elle n’a jamais eu d’autre ambition que d’être regardée. Elle a bien essayé d’être actrice. En arrivant à Paris, elle s’est inscrite à des cours où elle s’est révélée une élève médiocre. Les professeurs disaient qu’elle avait de beaux yeux et un certain mystère. “Mais être comédien, c’est savoir lâcher prise, mademoiselle.” Elle a attendu longtemps chez elle que le destin se réalise. Rien ne s’est passé comme elle l’avait prévu.

Elle aurait adoré être l’épouse d’un homme riche et absent. Au grand dam des hordes enragées de femmes actives qui l’entourent, Adèle aurait voulu traîner dans une grande maison, sans autre souci que d’être belle au retour de son mari. Elle trouverait merveilleux d’être payée pour son talent à distraire les hommes. »

Page 96 :« […] Elle a acheté le téléphone à clapets, qu’elle ne sort jamais de son sac et dont Richard ignore l’existence. Elle s’est procuré un second ordinateur, qu’elle cache sous le lit, de son côté, près de la fenêtre. Elle ne garde aucune trace, aucune facture, aucune preuve. Elle se méfie des hommes mariés, des sentimentaux, des hystériques, des vieux célibataires, des jeunes romantiques, des amants sur le Net, des amis d’amis. »

Page 169 :« Auprès d’Adèle, il a le sentiment d’avoir vécu avec une malade sans symptômes, d’avoir côtoyé un cancer dormant, qui ronge et ne dit pas son nom. Quand ils ont emménagé dans la maison, il a attendu qu’elle tombe. Qu’elle s’agite. Comme n’importe quelle toxicomane privée de sa drogue, il était convaincu qu’elle perdrait la raison et il s’y était préparé. Il s’était dit qu’il saurait quoi faire si elle devenait violente, si elle le rouait de coups, si elle se mettait à hurler dans la nuit. Si elle se scarifiait, qu’elle s’enfonçait un couteau sous les ongles. Il réagirait en scientifique, lui prescrirait des médicaments. Il la sauverait. »

Mon avis

Je devais attendre trop de ce roman… Alors, forcément, j’ai été un peu déçue. Au fil des pages, j’ai trouvé que cette histoire avait, ici et là, des côtés finalement trop caricaturaux et que la trame n’offrait pas assez de nuances pour que j’arrive à entrer en empathie avec l’héroïne. Reste le style, vif, sans ambages, ni faux-fuyant qui vous pousse à avaler les chapitres pour savoir ce qui va lui arriver à Adèle. Et à ceux qui l’aiment. A découvrir.

« Dans le jardin de l’ogre », Leïla Slimani, Gallimard, 17,50€.

Laisser un commentaire

*