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Et si je vous parlais d’un livre drôle, corrosif et assez  jubilatoire ? Son titre « C’est fort la France! », de Paule Constant.

larepubliquedespyrenées.fr

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Paule Constant occupe, depuis janvier dernier, le 4e couvert de l’Académie Goncourt. En 1989, elle obtient le prix de l’Académie française pour « White Spirit », en 1998, cette auteure prolixe se voyait remettre le prix Goncourt pour « Confidence pour confidence ».

Avec « C’est fort la France! », elle nous plonge dans les années 50, au coeur de l’Afrique, celle du Cameroun. Le pays vit sous colonisation française.

 

 

 

FORT LA FRANCEL’histoire ? C’est celle d’une romancière qui reçoit une lettre lui reprochant de s’être moquée, dans son dernier livre Ouregano des charmes de la vie coloniale et de ne pas avoir raconté les drames qui ont marqué Batouri, contrée située au nord du Cameroun, quelque trente ans plus tôt.

Les deux femmes se rencontrent… et se reconnaissent. Quand la première était, âgée de six ans, la fille d’un médecin expatrié au Cameroun, la seconde était la femme de l’administrateur de la région en question.

Construit comme un récit, ce roman alterne les souvenirs des deux personnages. Confronte leurs visions d’une Afrique soumise.

Madame Dubois, loin de ses bases normandes, s’est accrochée des années durant à des rites surannés, loin d’une métropole idéalisée. Ce qui fera dire à son maître d’hôtel camerounais : « C’est fort la France ! » en évoquant les vaches normandes…

La narratrice, elle, a vécu une autre réalité, faite d’épidémies, de manque de moyens et de difficultés à pouvoir véritablement lier contact avec la population locale.

 

 Découvrez ici une vidéo dans laquelle Paule Constant nous parle de son roman  :

 Extraits

 Page 65 : « En faisant connaissance, elle avait répondu avec une pointe de mystère qu’elle vivait en Afrique. Ils s’étaient permis, par-dessus sa tête, quelques considérations sur l’argent que la République dilapidait outre-mer pour le seul bénéfice de potentats et de quelques fonctionnaires inutiles qui se servaient au passage. Ils n’étaient pas pour la colonisation qui vole les ressources des Africains et dilapide celle des Français, ils étaient pour le développement agricole et industriel de la Normandie. Elle ne savait que répondre, c’était la première fois qu’on portait le soupçon sur quelque chose qu’elle croyait aussi certain que la virginité de Marie, la résurrection des morts et Dieu en trois personnes, à savoir la mission civilisatrice de territoires sauvages que la France conduisait vers le progrès par l’intermédiaire d’agents dévoués comme son mari. »

Pages 82-83 : « […] Le temps d’un cliché, j’ai accepté de toucher, de tenir, d’embrasser à peu près n’importe quoi, comme si prise en photo j’étais déjà sur la pellicule et que les écailles, les poils, le sang, les griffres ne m’avaient ni touchée, ni éraflée, ni blessée.

Madame Dubois adoptait le même principe de surenchérissement, à ceci près que son objet était inversé. Mes parents apportaient à tous ceux qui étaient restés en France la preuve de leur aventureuse et splendide existence africaine, madame Dubois servait à ceux qui vivaient ici et n’avaient jamais quitté Batouri la fantastique histoire de la France, entre utopie nationale et légende dorée. »

Page 156 : « S’il y avait un point sur lequel mon père était en accord avec Alexandrou, c’était la médiocre qualité du personnel administratif, médical et éducatif de la colonie. Il s’excluait bien sûr. Comme s’excluaient à tour de rôle tous les protagonistes de cette histoire. Si bien que chacun avait l’impression d’être environné d’incapables qui venaient purger à Batouri la conséquence d’un vice de forme. J’ai souvent entendu dire que l’échec de la colonisation tenait surtout à la médiocrité des colonisateurs et que l’on envoyait pour représenter la France des jean-foutre dont les familles voulaient se débarrasser et des propres-à-rien que l’administration la plus rancie ne trouvait plus à employer.

Il visait Dubois, surtout Dubois, qu’il tenait pour un toquard, ridicule, malhonnête et alcoolique. Je ne l’ai jamais entendu évoquer la maladie du Dubois, qu’il avait diagnostiquée mais qu’il s’est entêté à ignorer jusqu’à ce que mort s’ensuive. Seulement son incapacité à prendre des décisions, sa collusion dans l’affaire de la viande des lépreux, qui se réglait entre Alexandrou et Bodin. »

 

Mon avis

En voilà un sujet de roman original : la colonisation et ses dommages collatéraux vus de l’intérieur à travers les visions également déformées d’une enfant devenue femme et d’une femme devenue vieille dame. Trafics, petits arrangements avec la loi de la lointaine France… tout y passe. Le tout en faisant ( ou croyant faire) oeuvre de civilisation.

L’auteure a vécu  une grande partie de sa vie en Afrique, en Asie, en Amérique du sud. De quoi laisser des souvenirs mais si elle se défend ici d’avoir raconté son enfance. Reste un roman drôle et piquant, corrosif et politiquement incorrect. Très agréable à lire.

« C’est fort la France! », de Paule Constant, Gallimard, 17,90€.

Une Réponse à “Au temps béni des colonies…”

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