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Une histoire de famille, encore une ! Ou plutôt une histoire de femme qui fait tout ce qu’elle croit bon et bien pour sa famille. Tel est le sujet du deuxième roman écrit par Alina Bronsky.

La jeune femme de 34 ans, née en Russie, vit depuis l’âge de 13 ans en Allemagne. Lauréate de plusieurs prix littéraires, Alina Bronsky a publié « Cuisine Tatare et descendance » chez Actes Sud. Comme son premier roman, celui-ci a été traduit en une dizaine de langues. Alina Bronsky est journaliste et vit à Francfort.

L’histoire ? C’est celle de Rosalinda. Une belle femme, qui travaille dans une école d’éducatrices dans la Russie des années 80. Une femme, mariée à Kalganov, qui a des fonctions dans le Parti. Une mère, celle de Sulfia, tombée enceinte par inadvertance. Rosalinda fait tout pour se débarrasser de l’enfant. Une bouche de plus à nourrir, ce n’est pas possible. Elle échoue cependant.

Elle va alors tout faire  pour éduquer au mieux, et à sa façon, la petite Aminat, prénom que portait l’aïeule tatare de Rosalinda. Rappelons que les Tatars constituent un ancien peuple turc qui, au XIe siècle nomadisait entre la partie orientale et l’actuel Kazakhstan.

Au fil des 331 pages, on suite donc Rosalinda, – c’est elle la narratrice –, dans ses petits arrangements avec le système pour permettre à sa petite famille de s’en sortir au mieux. L’URSS des années 80, c’est celle des privations, des pénuries, de l’absence de soins adéquats et de la corruption. Partout. C’est aussi le temps des appartements communs et des petits arrangements.

Alors Rosalinda use de ses charmes, de son intelligence et de la foi absolue qu’elle a en elle pour faire face au quotidien. Quitte à phagocyter la vie privée de sa fille, à prendre les décisions à sa place en lui arrangeant des mariages qui se révèleront calamiteux, quitte à toujours croire faire au mieux pour sa petite-fille … et à, au final, faire partir tout son monde en Allemagne !

Mais Aminat, – le livre vit sur plusieurs décennies –,  finit par grandir et comprendre.

Extraits

Page 25 :  » Ma petite-fille était une chanceuse. Elle n’avait rien hérité de la mollesse et de la laideur de sa mère. Elle avait mes yeux en amande d’un noir profond, de belles boucles brunes, un nez délicat et l’air très intelligent. L’intelligence, c’est une chose qu’on voit tout de suite, dès la naissance. Pour Sulfia, j’avais aussi fait un pronostic sur-le-champ et je ne m’étais pas trompée. Peut-être était-ce parce que Sulfia avait été conçue dans le lit conjugal, alors qu’Aminat était le fruit d’un rêve avec un inconnu. « 

 Page 75 :  » Cinq jours plus tard, en rentrant à la maison, j’ai trouvé sur le rebord de la fenêtre une lettre de mon mari. La lettre disait qu’il aimait une autre femme et qu’il partait vivre avec elle. Il me remerciait pour les années passées ensemble et de demandait de lui ficher la paix.

Rien d’autre.

Il paraîtrait que certaines femmes, en apprenant ce genre de nouvelles, éclatent en sanglots. Leurs jambes se dérobent sous elles et elles s’effondrent sur les carreaux noirs et blancs de la cuisine, obligeant les autres membres de la famille à les enjamber quand ils veulent accéder au réfrigérateur. Je n’étais pas de celles-là ».

Page 157 : « Plus d’une fois, j’avais constaté que ce que je désirais ardemment se réalisait, signe que Dieu était à mes côtés. Il lui arrivait parfois même d’aller un peu trop loin, sans soute parce que je n’avais pas été assez précise dans la formulation de mes souhaits. »

 Mon avis

Au premier abord, ce livre peut agacer. Cette Rosalinda est en effet insupportable à décider de tout pour son mari, sa fille et sa petite-fille. Elle ne doute de rien. Est imbue de sa personne et saccage tout. Au fil des pages cependant, on finit par l’adopter. Obligée de trouver des stratagèmes pour survivre, elle finit par devenir attachante malgré son amoralité. Elle veut le bien des siens. A sa manière. On rit même des petits arrangements qu’elle met au point, des idées saugrenues qu’elle peut avoir et des comportements abjectes qu’elle a.

Imaginé en courts chapitres, ce roman est dynamique, drôle et grave à la fois, et nous donne une vision assez noire de la vie en URSS à cette époque-là. Rosalinda, elle, fait le choix de partir. Au final, était-ce vraiment le bon ?

« Cuisine tatare et descendance », d’Alina Bronsky, Actes Sud, 23€.

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