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Commencer l’année de façon légère, ça vous dit ? Alors plongez-vous dans le roman de Jean Rolin, « Le ravissement de Britney Spears« , paru chez P.O.L. à la rentrée littéraire dernière, celle de septembre.

Une chanteuse américaine, en tête des charts internationaux et habituée de la presse à scandale comme héroïne ? Eh oui !  Pourquoi pas. Jean Rolin nous emporte dans une drôle de virée californienne. Son héros est dans le renseignement. Un pied nickelé qui ne sait pas conduire et de se déplace donc qu’en bus, en métro ou à pied, qui fume tout le temps même dans les lieux publics, qui ne connaît pas les méandres du show business, etc.

Sa mission ? Rendre compte à ses supérieurs, dont le colonel Otchakov, des menaces d’enlèvement qu’un groupuscule islamiste fait peser sur Britney Spears, l’inoubliable chanteuse de « Baby One More Time » et, dans le cas où ce projet de ravissement serait averé, faire disparaître la chanteuse et avant de la faire répparaître dans une ile des Antilles, histoire de favoriser le tourisme américain par-dessus le marché. La mission porte le nom de code de « Poisson d’avril ». Notre héros aurait peut-être dû se méfier…

Et voilà notre héros lâché sur Sunset boulevard, entre boutiques hype et restaurants à la mode. Le voilà que découvre le monde sulfureux des paparazzis et de ces starlettes qui alimentent les gazettes, à l’ombre des palmiers. Pourra-t-il accéder à la star ? Et bien non. Et c’est cette mission ratée que notre héros narrateur, désormais en exil punitif au Tadjikistan où il est notamment chargé de relever les numéros d’immatriculation franchissant la frontière avec la Chine, – si, si, c’est vrai ! –,  raconte à son collègue d’infortune, Shotemur. Un récit désabusé. Mais drôle.

Lindsay Lohan, actrice et chanteuse

Au fil des pages, Jean Rolin nous oblige à le suivre dans le monde, fascinant, il faut le dire, de la vacuité ! Ici, une star pistée à sa sortie du salon de coiffure, là, une concurrence médiatique entre Britney Spears et Lindsay Lohan, l’autre « star » de ce roman un brin déjanté. Sans oublier Katy Perry. Deux « (jolies) têtes de gondole » dont, j’avoue, je ne connaissais pas l’existence !

 

 Car notre anti-héros ne nous cache rien des petits arrangements qui se jouent dans les rues pas si bien famées de Los Angeles.  Et on finit par se laisser prendre au jeu. Le ravissement ne s’applique-t-il qu’à la chanteuse ? Non. Notre espion devient lui-même pris au piège de cette ville qui vit 24h/24 dans le strass en trompe-l’oeil, qu’il arpente de jour comme de nuit. Le voilà aussi finalement tenu par les affres de ce petit monde. Qui achète quoi ? Qui fait quoi et où ? Il se laisse entraîner.

Page 26 : « Tant la séance de shopping que les sessions en studio prouvaient combien l’état de la chanteuse s’était amélioré, depuis l’époque, deux ans auparavant, où elle se livrait chaque jour, et plus encore chaque nuit, à des extravagances qui lui avaient valu de perdre momentanément la garde de ses deux enfants et d’être placée durablement sous la tutelle de son père, outre qu’elles avaient pu inspirer de sérieux doutes sur sa santé mentale, et ses ses chances de conserver la place éminente qu’elle occupait depuis plusieurs années dans l’industrie de la chanson et du divertissement. En revanche, elles avaient assuré la fortune de quantité de médias spécialisés, et plus particulièrement de l’agence X17 : laquelle, au plus fort de la crise existentielle traversée par la chanteuse, avait déployé, pour la suivre, vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans chacun de ses imprévisibles mouvement, jusqu’à vingt employés permanents secondés par presque autant de supplétifs. »

 Page 57 : « […] Heureusement que le paparazzisme s’est embourgeoisé, et qu’au lieu de traquer systématiquement les célébrités, contre leur volonté, dans des situations ambarassantes – encore que celles-ci, le cas échéant, soient toujours les bienvenues, une image volée du corps sans vie de Michael Jackson étant encore de très loin ce qui se vend le mieux –, il les suit de plus en plus souvent dans l’accomplissement de gestes quotidiens éventuellement mis en scène (set up), tel le shopping, le jogging, la promenade du chien ou celle des enfants. »

 Semaine après semaine, le héros traque LA star dont il sensé assurer la protection en suivant les paparazzis dont le fameux Fuck, qui disparaîtra d’ailleurs dans d’étranges circonstances.

Bref, un roman pas banal par son sujet qui, si on va on peut plus loin que l’accroche du titre, offre un moment de détente efficace et drôle. Loin, très loin de Los Angeles et de ses miroirs aux alouettes.

« Le ravissement de Britney Spears », de Jean Rolin, P.O.L., 17€

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