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Redécouvrir Sagan…

 

Un matin pour la vie, un dimanche matin comme les autres. Nicole est tirée de son sommeil par le téléphone, fait étrange, si tôt un dimanche, pour cette jeune femme à la vie exemplaire d’héroïne de Sagan. Son amie lui apprend la fin du monde : un missile est lancé vers Paris. San Francisco et Léningrad sont déjà effacés de la carte. Il ne lui reste plus qu’une heure à vivre. Que fait-on dans ces cas-là ? À qui pense-t-on ?

Voilà le résumé de la première des quatre nouvelles inédites de Françoise Sagan publiées chez Stock en cette fin d’automne sous le titre « Un matin pour la vie et autres musiques de scène« .

L’occasion de plonger avec délice dans l’univers drôle, souvent enjoué, et un peu fantasque de cette écrivaine atypique… qui écrivit elle-même sa rubrique nécrologique dans le Dictionnaire des auteurs en ces mots :

« Fit son apparition en 1954 avec un mince roman, Bonjour tristesse, qui fit un scandale mondial. Sa disparition, après une vie et une oeuvre également agréables et bâclées, ne fut un scandale que pour elle-même ».

On se laisse tenter ? Page 8, dans « Un matin pour la vie » : « Il est très dur de parler de soi. Je ne m’en rendais pas compte. Après tout, je n’ai pas une vie morne, ni étouffée. Je gagne ma vie dans une ambiance plus que drôle, j’ai un garçon qui m’aime, un grand amour mort derrière moi, de bons amis. Je trouve la vie très agréable, et, je l’ai dit, si on parle politique devant moi, je me défends : c’est-à-dire que mes parents me trouvent de gauche, les amis de Marc de droite, et qu’en général je me borne à déplorer les exactions de part et d’autre et à dire que les hommes ne se rendent pas compte du prix du sang. Que c’est nous, les femmes qui faisons les enfants, etc. C’est d’ailleurs mon seul côté féministe ».

 La deuxième nouvelle, « Histoire d’août » nous raconte l’histoire de Rémi Pelletier.

Rémi Pelletier laisse sa femme et ses enfants en vacances, il va passer le mois d’août seul à Paris. Cette perspective l’enchante, il peut enfin regarder tranquillement les matchs de football à la télévision. Et pourtant qui va lui recoudre les trois boutons qu’il vient de perdre ? Il ne voudrait pas avoir l’air débraillé lundi au bureau sous prétexte que sa femme n’est pas là. Il y a bien la voisine, Olga, une amie de son épouse, qui a une tête d’oiseau, une voix d’oiseau. Mais on ne peut quand même pas demander à une presque inconnue de recoudre ses boutons sans un minimum de civilité, n’est-ce pas ?

Suivent les nouvelles intitulées « Macho » et « Menu ». A Paris, à Venise ou sous les tropiques, des histoires de couples, d’adultères et de fin du monde. Le style est alerte, les phrases concises et l’humour jamais absent… Un p’tit délice à savourer.

Page 55 dans « Menu« , qui date de 1955 : « ”A-t-on des pamplemousses en prison ?” C’était sûrement le dernier qu’elle mangerait. Elle se sentit subitement pleine de tendresse, d’affection, pour sa vie passée, pour les pamplemousses, pour les robes habillées, pour les voyages, pour tout ce qui n’avait plus de goût, pour André. »

Une mise en bouche avant de plonger dans « Musiques de scène« , publié pour la première fois en 1981. C’était il y a trente ans. Là, ce sont treize nouvelles qui s’offrent. Comme des petits bijoux. On y trouve « Le chat et le casino« , « Une partie de campagne« , « La cousine éloignée« , « Quelques larmes dans le vin rouge« , « Musique de scène« , etc.

Des nouvelles étonnament modernes. A (re)découvrir.

« Un matin pour la vie et autres musiques de scènes », Françoise Sagan, Stock, 239 pages, 18€.

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