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Je m’étais dit que Fred Vargas était essorée. Plus rien à écrire et à nous raconter tant ses deux précédents ouvrages, « Dans les bois éternels » et  » Un lieu incertain »,  m’avaient laissée sur ma faim. Et puis, parce que au final la sortie d’un nouvel opus de cet écrivain atypique est toujours un p’tit évenement, – elle vend un sacré paquet de livres à chaque fois, je sais Guillaume Musso aussi mais là, ça ne veut rien dire sur ses qualités d’écrivain ! –, je me suis laissée prendre au jeu. Je l’ai acheté… et dévoré ! Voilà le problème ! J’avoue que, cette fois encore, l’auteur nous entraîne dans une histoire assez capillotractée, – c’est à dire tirée par les cheveux–, voire improbable mais c’est tellement bien fait… que ça serait dommage de s’en priver ! Assurément le carton littéraire de cet été.

Adamsberg et ses adjoints tous plus toqués les uns que les autres, nous emmènent en Normandie. C’est là-bas, dans la commune d’Ordebec sur le chemin de Bonneval, que sévit l’Armée furieuse. La quoi ? La Grande Chasse, la Mesnie Hellequin… un mythe moyenâgeux, qui vient chercher ceux qui ont menti, trahi, volé ou tué. Tout commence par une histoire de meurtre à la mie de pain, à Paris. Imparable. Rien à voir cependant avec ce que cette petite femme effacée, mère d’une fratrie que les bonnes gens voudraient faire passer pour dégénérée, va venir essayer de raconter à Adamsberg. Rien à voir non plus, quoique, avec les ennuis dans lesquels Momo-mèche-courte s’est embourbé à son insu… Bref, une fois de plus, Fred Vargas fait mouche. On  la suit. Jusqu’au bout.

Un p’tit extrait pour vous donner envie ?

Il y avait des petites miettes de pain qui couraient
depuis la cuisine à la chambre, jusque sur les draps
propres où reposait la vieille femme, morte et bouche
ouverte. Le commissaire Adamsberg les considérait en
silence, allant et venant d’un pas lent le long des débris,
se demandant quel petit Poucet, ou quel Ogre en l’occurrence,
les avait perdues là. L’appartement était un sombre
et petit rez-de-chaussée de trois pièces, dans le 18e arrondissement
de Paris.
Dans la chambre, la vieille femme allongée. Dans la
salle-à-manger, le mari. Il attendait sans impatience et
sans émotion, regardant seulement son journal avec
envie, plié à la page des mots croisés, qu’il n’osait pas
poursuivre tant que les fl ics étaient sur place. Il avait
raconté sa courte histoire : lui et sa femme s’étaient rencontrés
dans une compagnie d’assurances, elle était
secrétaire et lui comptable, ils s’étaient mariés avec allégresse
sans savoir que cela devait durer cinquante-neuf
ans. Puis la femme était morte durant la nuit. D’un arrêt
cardiaque, avait précisé le commissaire du 18e arrondissement
au téléphone. Cloué au lit, il avait appelé Adamsberg
pour le remplacer. Rends-moi ce service, tu en as
pour une petite heure, une routine du matin.
Une fois de plus, Adamsberg longea les miettes. L’appartement
était impeccablement tenu, les fauteuils couverts
d’appuie-tête, les surfaces en plastique astiquées, les
vitres sans trace, la vaisselle faite. Il remonta jusqu’à la
boîte à pain, qui contenait une demi-baguette et, dans un
torchon propre, un gros quignon vidé de sa mie. Il revint
près du mari, tira une chaise pour s’approcher de son
fauteuil.
– Pas de bonnes nouvelles ce matin, dit le vieux en
détachant les yeux de son journal. Avec cette chaleur
aussi, ça fait bouillir les caractères. Mais ici, en rez-dechaussée,
on peut garder le frais. C’est pour ça que je
laisse les volets fermés. Et il faut boire aussi, c’est ce qu’ils
disent.
– Vous ne vous êtes rendu compte de rien ?
– Elle était normale quand je me suis couché. Je la
vérifi ais toujours, comme elle était cardiaque. C’est ce
matin que j’ai vu qu’elle avait passé.
– Il y a des miettes de pain dans son lit.
– Elle aimait ça. Grignoter couchée. Un petit bout de
pain ou une biscotte avant de dormir.
– J’aurais plutôt imaginé qu’elle nettoyait toutes les
miettes après.
– Pas de doute là-dessus. Elle astiquait du soir au matin
comme si c’était sa raison de vivre. Au début, c’était pas
bien grave. Mais avec les années, c’est devenu une obnubilation.
Elle aurait sali pour pouvoir laver. Vous auriez
dû voir ça. En même temps, cette pauvre femme, ça l’occupait.
– Mais le pain ? Elle n’a pas nettoyé hier soir ?
– Forcément non, parce que c’est moi qui lui ai apporté.
Trop faible pour se lever. Elle m’a bien ordonné d’ôter les
miettes, mais à moi, ça m’est drôlement égal. Elle l’aurait
fait le lendemain. Elle retournait les draps tous les jours.
À quoi ça sert, on ne sait pas.

« L’armée furieuse », de Fred Vargas, Editions Viviane Hamy, 20€.

Et vous, vous lisez quoi en ce moment ? Déjà en vacances peut-être ou pas encore, dites-moi ce que vous emportez ou emporterez sur votre drap de bain ?

2 Réponses à “Le commissaire Adamsberg chez les Normands…”

  1. Je ne suis pas fan de Vargas, mais je suis contente de découvrir ce blog livresque, un peu trop discret sur le site NR tout de même ;-) Bravo et bonnes lectures !

  2. Morgane dit :

    J’ai aimé lire Fred Vargas à l’époque de Pars vite et reviens tard, L’Homme aux cercles bleus, Sous les vents de Neptune… Mais là la magie n’opère plus.
    L’intrigue trop tirée par les cheveux, la fin baclée… Je ne prends même plus plaisir -ou presque- à passer un moment avec mes « héros » d’hier. Bref! J’suis déçue.
    Pour moi Vargas c’est terminé.

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