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Rentrée littéraire 2023

IL SUFFIT DE TRAVERSER LA RUE

La phrase a marqué. Le 15 septembre 2018, Emmanuel Macron lançait à une jeune chômeur de 25 ans qui lui expliquait ses difficultés… qu’il suffisait de traverser la rue pour en trouver un.

Un titre qui claque.  Et une histoire qui nous plonge dans les années 2010, au fil d’une « petite saga ». L’histoire ? C’est celle d’Aurélien Babel, un journaliste de 57 ans, poètes à ses heures perdues, pour le bureau parisien de MondoNews, groupe tentaculaire qui finirait par vous faire croire au journalisme sans journalistes.

Sauf que les actionnaires ont décidé de faire plus avec moins. Un plan social est annoncé. Il n’y aura que trente départs volontaires. Aurélien Babel veut en être. Quitte à être vil.

Il finira par prendre ses cliques et ses claques en saisissant au vol une opportunité de reconversion professionnelle. Mais, dans les méandres des organismes de formation qui sont un business à part entière, rien ne va se passer comme prévu…

Je ne connaissais pas les romans d’Eric Faye. J’avoue que j’ai plongé dans celui-ci grâce à son titre. Et je ne l’ai pas regretté.

Au fil de ce roman, l’ancien journaliste brosse le tableau d’une classe moyenne incapable de résister à l’offensive néo-libérale et de se mobiliser lorsqu’elle est attaquée.

Auteur de romans, de nouvelles, de récits de voyages et d’essais, Eric Faye signe avec Il suffit de traverser la rue son douzième roman.

Une chronique caustique, une fable grinçante qui raconte notre époque. Pas la plus chouette, non de là.

Extraits

Page 69 :« La question des délocalisations n’était pas la seule à nous tarauder. De nouvelles méthodes de management, élaborées et testées sur des cobayes humains dans les couveuses nord-américaines de MondoNews, avaient fait leur apparition chez nous. L’évaluation annuelle des performances n’était certes pas une nouveauté, mais, les premières années, l’exercice s’était limité à passer une fois par an « chez Confesse », c’est-à-dire dans le bureau d’un chef de service ou de Lanquetot, que ce « pensum maoïste », selon ses propres termes, barbait au plus haut point. »

Page 122 :« En somme, MondoNews inventait un concept nouveau : le journalisme sans journalistes. L’absence de qualifications des recrues de Constanta, Clémence Corap l’avait constatée par elle-même quelques mois plus tôt. Voilà cinq qu’elle dirigeait le service matières premières, qui avait permis de décrocher un nombre important de nouveaux clients francophones. Le Siège n’en avait pas moins décidé de le délocaliser, estimant que le traitement des communiqués et la rédaction de comptes rendus des contrats de blé tendre ou de blé dur pouvaient tout aussi bien être effectués en Roumanie. Aucun prétexte invoqué, aucun cache-misère. C’était ainsi. » 

Page 175 :« […] Cela faisait beaucoup, et à cinquante-sept ans, mon corps, mes nerfs refusaient de se métamorphoser en couteau suisse. Je n’avais pas fait objecteur de conscience à vingt ans pour être enrôlé maintenant dans une autre armée, balancé d’une mission à l’autre sans rien connaître au terrain. Tu as été spécialiste de affaires judiciaires ? Très bien. Aujourd’hui, tu traiteras le foot et la boxe, et demain les résultats trimestriels de Dassault Systèmes. Je savais que cela signifierait. Stress. Regain de dépression à brève échéance. Et pour le moyen terme, j’imaginais un bel ulcère. Si long terme il y avait à bord de ce bateau ivre, il passerait par une démission ou un licenciement. Ces perspectives me glaçaient, d’où l’urgence de fuir avant que la porte de sortie ne claque. »

Il suffit de traverser la rue, Eric Faye, Seuil, 19,50€

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