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CE QU'IL FAUT DE NUIT OK

Rentrée littéraire

Un premier roman ? Comme c’est bizarre ;-) Je dois bien avouer qu’à chaque rentrée littéraire, je les dévore, après une petite sélection quand même. Celui-ci s’inscrit dans l’une des thématiques de cette rentrée post-confinement, celle des « pères singuliers ».

L’histoire ? Celle d’un père qui, après la mort de sa femme, assure l’éducation de ses deux fils. Tant bien que mal. Il y a Frédéric que tout le monde appelle Fus depuis des années et son benjamin, surnommé Gillou. L’un joue au foot quand l’autre se plonge dans les livres.  Le père, lui, travaille à la SNCF et s’occupe de la section locale du Parti socialiste.

C’est lui qui raconte. Les trois années de maladie de la « moman », les études des enfants, le quotidien d’un milieu populaire entre un père un peu perdu et deux ados qui grandissent, qui s’affranchissent des choix paternels. Et puis la bascule.  Celle qui fait que, progressivement, Fus fasse la connaissance de jeunes proches de l’extrême droite. Jusqu’au drame. Une attaque, une vengeance, un mort, la prison et deux procès.

Le père manque parfois de mots, de réactions. Il ne comprend pas. N’accepte pas. Entre pudeur et retenue, il voit ses convictions ébranlées et son quotidien s’effilocher.

Dans « Ce qu’il faut de nuit »Laurent Petitmangin avait envie de parler « du sentiment de déception, de son côté parfois irrémédiable. Puis sont venus d’autres thèmes  : j’ai voulu raconter la relation entre un père et son fils, mettre en évidence la difficulté, la pudeur infinie de cette relation, interroger l’incapacité d’un père à trouver les mots. Je voulais aussi raconter un certain monde. Ce roman n’est pas autobiographique, mais il se nourrit de ma vie, bien sûr . »

Laurent Petitmangin, quinquagénaire, grand lecteur, travaille à Air France et écrit depuis une dizaine d’années. Il entasse les manuscrits dans ses tiroirs, apprend-on.

Extraits

Pages 30-31 :« Il y avait déjà trois mois que la moman était partie, j’avais évacué la peur de ne pas y arriver, de ne pas faire face à tout ce qu’il y avait à organiser, à gérer. Tout ce que j’avais déjà entrevu depuis trois ans. C’était terrible à dire, mais c’était presque plus facile maintenant qu’il n’y avait plus l’hôpital, les soirées et les dimanches passés à attendre. Presque plus facile. Si elle m’avait entendu. C’était pourtant vrai, et les vacances n’avaient jamais autant mérité leur nom. Plusieurs fois, je les avais emmenés casser la croûte à Luxembourg-ville. On s’était fait la promenade des remparts, puis on était allés dans un petit restaurant où on attendait des heures, il y avait du monde, les enfants s’étaient impatientés tellement ils avaient faim, mais les énormes steaks et les grosses frites, presque un quart de patate chacune, n’en étaient que meilleures. »

Page 113 :  » […] Ils voulaient savoir qui l’avaient amoché de la sorte, et le fait que je l’aie retrouvé comme ça ne validait rien de mon innocence à leurs yeux. Ils m’avaient demandé ce que j’avais fait le matin, avant d’aller à Metz. Ce qui ne leur plaisait pas, c’était que j’ai emmené moi-même Fus à l’hôpital. « 

Page 157 : […] Tout m’était insurmontable. Je portais sur le visage la détention de mon fils. L’avocat n’avait cessé de m’appeler immédiatement après le procès. Il s’était d’abord contenté de messages courts, « Rappelez-moi s’il vous plaît  » puis, comme je ne répondais à aucun de ses appels, il s’était épanché. Une longue supplique où il me disait que ce n’était pas son intérêt financier de faire le forcing et de repasser du temps sur ce dossier – il m’avait rappelé dans son message haletant, énervé, que ses émoluments rentraient strictement dans le cadre de l’aide que nous avions touchée et que ce n’était donc pas avec ça qu’il allait gagner le moindre argent -, mais que ce n’était pas la question, qu’il fallait y aller. Il l’avait redit plusieurs fois. Sur tous les tons possibles : « Une simple question de justice. » Il avait rajouté qu’il me revenait de convaincre mon fils et qu’on n’avait pas l’éternité pour le faire. Je n’en avais pas envie. Pas plus que je n’avais envie de le visiter en prison. »

« Ce qu’il doit à la nuit », Laurent Petitmangin, La Manufacture de livres, 16,90€. 

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