Flux pour
Articles
Commentaires

GOLF BLANCHE

Un premier roman. Quelle joie ! Celui que je vous présente aujourd’hui m’aura laissé un drôle de goût dans la bouche cependant. A cause de son histoire.

Charles Sitzenstuhl, 31 ans, signe avec « La Golf blanche » un premier roman visiblement autobiographique. Il n’a d’ailleurs prévenu que sa mère de la sortie de ce roman dérangeant. 

Conseiller politique du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, le trentenaire est en charge des dossiers internationaux et européens. Une mission, lourde, pour ce jeune homme homme, élu local à Sélestat.

Sélestat, justement. Cette petite ville du Bas-Rhin en Alsace, sert de décor à cette histoire. Celle d’une famille de la classe moyenne, dans les années 90.

Il y a le père, responsable technique dans une usine qui fabrique des cuisines. Il est Allemand. Il est violent, humiliant, insultant, méprisant. Il est marié à une institutrice et le père de deux enfants, Charles et Flora.

 

Au fil des pages, le narrateur, Charles raconte son quotidien. Celui d’un enfant pré-ado confronté à la violence verbale et psychologique de son son père. Un enfant qui tentera, pendant des années, de se rapprocher de son père. Sans jamais y parvenir cependant. Jusqu’à la rupture. Définitive.

Au fil des pages, c’est un huis clos, terrible, qui se dessine. Les mots manquent. Mais quand le père les prononce, ils sont criés, hurlés. Souvent en allemand d’ailleurs, ce qui ajoute encore au sentiment anxiogène puisque Charles ne maîtrise pas cette langue. Même les visites chez les grands-parents, en Allemagne, ne permettront jamais de percer complètement l’énigme qu’est ce père, mal-aimant, brutal et méprisant dont le bruit claquant des Birkenstock est devenu un triste signal. Comment, dans ces conditions, « faire famille » ? 

Un père dont la toute puissance (ou la folie ?)  s’exprime au volant de la Golf blanche qu’il conduit vite, mal, sans respecter les autres.

Chaque sortie, chaque activité se termine en chaos. Le drame n’est pas loin.

Après huit ans de tyrannie paternelle, Charles parviendra à provoquer le départ de son père. Qu’il n’a jamais revu.

Extraits

 Page 97 : « Nous quittâmes la piscine et remontâmes l’allée des marronniers. Mon père marchait devant, il marchait vite. Il se retourna :  » Putain, grande gueule, dépêche-toi ! » Il avait les clés de la voiture à la main. Je savais ce qu’il se passerait désormais. Il rentrerait à la maison en roulant comme un fou sur la route. Il monterait à cent dix à l’heure sur la départementale. Il doublerait dans des virages. Il traverserait des villages à soixante-dix. Il pilerait devant les stops. Il crierait, il hurlerait et à la maison il claquerait les portes. « 

Pages 160-161 : « Je regardai vers le nord. J’aperçus au loin le clocher de Saint-Georges. Il devait y avoir deux heures de marche jusqu’à l’entrée de Sélestat par le vieux chemin de Bergheim. Mon père nous avait abandonnés sur le bord de la route comme des chiens. 

Je regardai vers le couchant. Le soleil décroissait. Je distinguai les filaments de lumière rougeâtre dans le ciel. Tour devint limpide en moi. Je me sentis léger, débarrassé d’un poids. Quelque chose s’était brisé. Mon père n’était plus mon père. Il était mon ennemi. »

Page 178 :  » Il était quinze heures. Je savais que ma mère ne rentrerait de Colmar que vers dix-sept heures. Elle pensait que nous étions au match à Plobsheim, elle ne pouvait rien imaginer de ce qu’il venait de se passer. A tout moment mon père pouvait remonter s’en prendre à moi. Il devait désormais être assis dans le canapé du salon à ne rien faire. Dans la maison silencieuse, je sentais sa présence. Sa violence avait tout envahi. »

 « La Golf blanche « , Charles Sitzenstuhl, Gallimard, 18€.

 

Laisser un commentaire

*