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Pierre Jourde est auteur, romancier et critique littéraire. Prolixe, courageux, inspiré… et très souvent drôle. La preuve encore avec « Le voyage du canapé-lit » qui m’a permis de me replonger dans son oeuvre, découverte il y a quinze ans. Le temps file…

CANAPE_JOURDEJ’ai suivi avec attention le conseil de la libraire tourangelle préférée et j’ai ouvert ce roman-récit.  Si la chronologie des faits et les dialogues sont le fruit de l’imagination de Pierre Jourde, les anecdotes, les situations ont bel et bien existé.

L’histoire ? C’est celle d’un voyage. Celle d’une psychanalyse itinérante à l’avant d’un véhicule Jumper. Là, se trouvent Pierre Jourde donc, son frère Bernard et la femme de celle-ci, Martine.

CANAPE LITIls ont été chargés par leur mère de transporter la relique ( le fameux canapé-lit laid dont elle vient d’hériter de sa mère) depuis Créteil et la banlieue parisienne jusque dans la maison familiale en Auvergne, à Lussaud.

Durant cette traversée, les trois convoyeurs échangent des souvenirs où d’autres objets, tout aussi dérisoires et encombrants que le canapé, occupent une place déterminante.

Les deux frères, tantôt complices tantôt opposés, réveillent leurs morts aussi, et multiplient les virées dans leurs souvenirs, qu’ils soient communs ou pas. Mais qui, mis bout à bout, racontent cette famille un peu foutraque.

 

 

Au fil des pages, Pierre Jourde garde également un oeil sur la littérature et ses contemporains… en, souvent, s’en moquant gentiment. On apprend enfin, par l’auteur de « La littérature sans estomac » la vérité sur la scène d’anthologie ;-) qui l’a opposé à Christine Angot !

Au final, un livre un peu foutoir ( du Guatemala aux salons littéraires en passant par le Canada…) mais vraiment jubilatoire ! Savoureux. Et désopilant.

Sur France Culture, il en parle ainsi  :

https://www.franceculture.fr/emissions/le-reveil-culturel/quand-le-voyage-dun-canape-lit-exorcise-les-nevroses-familiales

 Extraits

 Page 114 : « Beaucoup de nos activités dérogeaient à l’idéal de l’homme accompli tel que le rêvaient mes parents et les vieilles dames privées de descendance qui s’étaient chargées d’une bonne partie de notre enfance. On courait, on jouait au foot, on se battait, on escaladait des montagnes et on descendait des rivières, on se séparait, on divorçait, bref, nous faisions tout notre possible pour n’être pas des compensations à notre impossible grand-mère, dont toute la famille s’accordait à dire qu’elle était la méchanceté, la duplicité et l’avarice incarnées. La narration des vilenies qu’on lui attribuait aurait effrayé un fan de Stephen King. »

Pages 193-194 : « […] et de même que notre mère, en nous faisant transporter l’abominable canapé-lit, cherchait une réconciliation posthume avec la mère qu’elle avait dû fuir pour trouver l’amour qui lui avait manqué, de même, mais aussi à l’inverse, alors que j’avais dû effectuer le mouvement contraire, m’arracher à l’inexorable amour maternel pour exister, lorsque cet éloignement a cessé d’être une nécessité vitale et que j’ai pu librement donner cours à ma tendresse filiale, les objets sont venus tenter d’y mettre obstacle, comme pour me démontrer qu’il n’y a rien à faire contre la séparation des êtres, les malentendus, les souffrances et les angoisses. »

Page 229  : « Prenez mon cas par exemple. Je suis convaincu d’être un immense écrivain, un incomparable prosateur, un maître de la langue, un virtuose de la construction narrative, un Paganini de la phrase, qui aborde toutes les formes, alliant la puissance à la subtilité, aussi émouvant que désopilant, le genre de type dont il faudra cinquante pages dans les manuels pour expliquer toute la richesse aux lycéens du futur accablés d’ennui. Et je trouve ridicule que d’autres écrivains soient assez immodestes et dépourvus de lucidité pour penser la même chose d’eux-mêmes. » 

 « Le voyage du canapé-lit », Pierre Jourde, Gallimard, 20€

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