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Un titre suffit parfois à donner envie de plonger dans un roman ! La preuve avec « A son image », dernier roman en date de Jérôme Ferrari. La quatrième de couverture confirme le l’intérêt. Et les premières lignes nous entraîne déjà…

Chouette découverte que ce roman, écrit par le lauréat du prix Goncourt 2012 (« Le sermon sur la chute de Rome ») !

Né de parents corses, Jérôme Ferrari a grandi en région parisienne. Auteur de onze titres, cet agrégé de philosophie est actuellement en poste au lycée français d’Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis.

A SON IMAGEL’histoire ? C’est celle d’Antonia. Elle périt dans un tragique accident de voiture dès les premières pages de ce roman dur et lumineux à la fois. La jeune femme vit en Corse, dans le sud de l’île. Elle gagne sa vie en faisant des photos de mariage, de fêtes.

L’ancienne salariée du journal régional a choisi de travailler autrement. Librement. Ce soir-là, un morceau de son passé est remonté à la surface : alors qu’elle couvre un mariage, elle reconnait Dragan, autrefois rencontré pendant la guerre en ex-Yougoslavie. Des heures de discussion s’engagent, jusqu’à ce qu’elle décide de rentrer et que sa voiture tombe dans un ravin.

Dans le village, c’est le choc. Pour son oncle et parrain, c’est un drame. Devenu prêtre, c’est lui qui va conduire les obsèques, dire l’oraison funèbre…

 

L’occasion de replonger dans le passé. De raconter la vie de sa nièce adorée, celle à qui il avait offert un appareil-photo pour ses 14 ans, celle à qui il avait donné de l’argent pour qu’elle puisse rejoindre l’ex-Yougoslavie et photographier la guerre de près. Comment se pardonner à l’heure des obsèques ?

D’évoquer aussi le lien indéfectible qui a uni Antonia à Pascal B. l’un des figures montantes du FLNC.

 

Antonia voulait prendre de la hauteur sur les choses, se confronter au réel… Quitte à souffrir, à perdre ses dernières illusions. « Ce roman est l’histoire de l’échec d’Antonia« , explique l’auteur qui a découvert la force de la photographie d’actualité dans les années 90, pendant la guerre en ex-Yougoslavie.

Un roman puissant, solennel et lumineux à la fois.

Extraits

Page 68 : « […] Antonia venait de rentrer de Nice où elle avait passé une année parfaitement stérile à l’université. Là-bas aussi, aux yeux de tous, elle était la femme d’un prisonnier politique ; le milieu des étudiants insulaires lui témoignait une déférence pénible tout en surveillant ses moindres faits et gestes si bien qu’elle vivait comme une infante solitaire entourée de chaperons et s’ennuyait atrocement. Elle ne pouvait compter ni sur Madeleine, qui se délectait de tenir, devant un public de connaisseurs, le rôle de l’épouse, éplorée mais courageuse, victime de l’iniquité de l’Etat, ni sur Laetitia, qui en venait presque à regretter explicitement que Xavier S. ne se soit pas fait coffrer lui aussi, la privant par son insignifiance de la place qu’elle méritait dans cette tragédie. » 

Page 97 : « […] Qu’avait-il donc réussi à faire si ce n’est blesser mortellement tous ceux qui l’avaient un jour aimé, à commencer par Antonia ? Elle était une enfant si aimante, il se le rappelle et interrompt un instant son discours pour contenir ses larmes mais il ne prononce pas son prénom et elle court vers lui, regarde, regarde comme je danse ! »

Page 189 : « Elle faisait son travail, elle sortait, elle allait rendre visite à ses parents, elle s’empêchait d’appeler Simon, même quand elle en ressentait douloureusement le désir et elle s’accordait de temps en temps une aventure pour que quelque chose se passe dans sa vie. 

Elle ne rêvait plus de produire autre chose que des images tout aussi éphémères que le papier journal sur lequel elles étaient quotidiennement imprimées et qui, chaque soir, s’il ne servait pas à allumer les feux de cheminée, finissait dans une poubelle avec les épluchures de légumes, le marc de café et les mégots. Elle ne se plaignait pas. Elle n’en avait ni le droit, ni la force. Pas même l’envie. »

« A son image », Jérôme Ferrari, Actes Sud, 19 €.

 

 

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