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Rentrée littéraire

mouches ok

 

Quel plaisir de retrouver Vincent Almendros ! Qui plus est, avec un roman aussi enthousiasmant que le précédent. Je l’avais découvert avec  » Un été « , un huis clos hypnotique qui laissait présager le meilleur. Le jeune quadragénaire est de retour avec « Faire mouche », tout aussi jubilatoire.

L’histoire ? C’est celle de Laurent Malèvre, le narrateur. On ne sait pas grand-chose de lui. Sauf qu’il revient là où il a grandi, à l’occasion du mariage de sa cousine, Lucie ( vétérinaire) qui va épouser Pierre, le garagiste. Il n’est pas là de gaieté de coeur. A Saint-Fourneau, c’est la campagne. Reculée. Un peu arriérée aussi.

Cet événement l’oblige à voir sa mère, qui vit depuis longtemps déjà avec  Roland, le frère (également veuf) de son défunt mari.  Une mère qui lui aurait fait boire de la Javel quand il était enfant. Une mère qui garde ses secrets tandis qu’elle prépare une langue de boeuf.

Au sein de la famille, les liens sont distendus. Etranges.

Laurent aussi en a des secrets. Dont un. Terrible. Le lecteur le devine en filigrane au fil du roman. Avant de le voir exploser à la fin.

En attendant, pour ne pas perdre la face, pour ne surtout pas susciter de questions, il a demandé à Claire de se faire passer pour Constance enceinte, avec qui il vit. Enfin c’est ce qu’ils croient tous.

 

 

Durant quelques jours, ils jouent le jeu. Mais à quel prix ?Entre mensonges et silences, la famille voudrait tenir son rang. Mais l’atmosphère devient oppressante, irrespirable.

Une écriture fine, incisive, percutante. Avec Vincent Almendros cette fois encore, les images défilent. Un thriller efficace en moins de 130 pages !

 

Extraits

 Page 55 :  » Le soleil, très vite, chauffa mon visage. Cette chaleur pénétrait en moi en traversant les couches successives de mon épiderme. Mon corps s’allégeait enfin, ses contours s’adoucissaient comme s’il se confondait peu à peu avec l’air chaud qui le caressait. A bien y réfléchir, c’était exactement ainsi que j’avais espéré passer ces quelques jours avec Constance. Sa pensée ne me quittait pas. En revanche, et ceci n’avait pas été prémédité, Claire, par sa seule présence, atténuait ce manque en lui donnant une forme matérielle sensible qui finissait par apaiser mon esprit et adoucir la réalité, comme si la copie parvenait, peu à peu, à supplanter l’original. » 

Pages 79-80 :« Hé, c’est que vous avez bien grandi, j’ai failli ne pas vous reconnaître.

Elle ne savait plus quoi me dire. J’aurais préféré qu’elle ne pose pas sur moi ce regard compatissant. Je savais qu’elle pensait à ma mère et aux rumeurs d’empoisonnement qui avaient couru à la mort de mon père. Elle leva les sourcils en hochant la tête de haut en bas. Je regardai sur la caisse électronique le montant qui était affiché. Je sortis de ma poche les quelques billets qui me restaient. Je n’étais pas mécontent de dépenser de l’argent, ça me donnait l’impression de vivre. »

Pages 91-92 :« Elle aimait compliquer les choses. Petite, elle mentait déjà avec un aplomb qui déconcertait ma grand-mère. Si je n’avais pas attendu la mort de mes grands-parents pour ne plus remettre les pieds à Saint-Fourneau, c’était en partie à cause d’elle. Elle le savait. 

Je remarque que vous êtes allés déjeuner chez ta mère et que Constance est tombée malade, c’est tout. 

Je tentai de la fixer avec, dans mon regard, un mélange de consternation et de compassion, cherchant à insuffler, chez elle, un soupçon de doute. Mais elle ne baissa pas les yeux. Au contraire, son regard à elle se renforça d’une détermination butée, provocante. Elle avait l’air convaincue de ce qu’elle pensait. Pour dire la vérité, je me protégeais en feignant la surprise, car j’y avais songé, moi aussi. Lorsque j’avais entendu Claire vomir dans la salle de bains, je m’étais demandé ce qui se passait. Lucie dut sentir une faille, qu’elle transforma en brèche en s’y engouffrant. Son un ton plus méchant, qui me rappela la brutalité dont ma mère était capable, elle voulut savoir pourquoi j’avais toujours cherché à la protéger. »

 « Faire mouche », Vincent Almendros, Editions de Minuit, 11, 50€

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