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Rentrée littéraire

AMOUR MALADIE

On continue notre balade à travers les romans de la rentrée littéraire. Ma petite sélection du jour est bourrée d’humour et de folie. La vraie.

François Szabowski signe avec « L’amour est une maladie ordinaire » chez Le Tripode, un roman bizarroïde mais très attachant ( avec une couverture sur laquelle posent quatre fois le même type en slip kangourou, ça aide !)

Dans une interview à son éditeur, François Szabowski explique s’être inspiré de l’histoire d’une femme, sans cesse déçue de ses histoires d’amour après quelques temps pour écrire ce roman.

Seuls les moments passés avec un ex-compagnon décédé dans un accident, trouvaient encore grâce à ses yeux. Elle n’avait pas eu le temps de voir ses défauts, de moins l’aimer.  » Son amour pour lui était immortel, justement parce qu’il était mort. »

Une trame dont l’auteur s’est inspirée pour imaginer son personnage, prénommé d’ailleurs comme lui. Pas un hasard.  » Je pars toujours de moi, de ce que je vis », explique-t-il encore. Et de poursuivre : « Ce livre est le résultat, et la trace, de mon état émotionnel et de mes préoccupations à un moment donné de ma vie. Mais ni ma vie ni ma personne ne sont intéressantes : je ne raconte donc jamais ce qui m’est vraiment arrivé. Le François de ce roman, c’est donc moi sans être du tout moi. François est l’amalgame de pensées ou réflexions que j’ai pu avoir, et de certaines personnes effectivement que j’ai côtoyées intimement, qui s’enfermaient dans le déni, dans l’aveuglement, dans une forme – certes présentable, tout à fait fonctionnelle – de profonde folie ».

L’histoire ? C’est donc celle de François. Ecrivain et pigiste à Paris. Mais surtout amoureux. Il aime Marie. Qui l’aime en retour. Mais justement, avant que leur histoire ne s’essouffle, avant que l’amour soit moins fort, il décide de disparaître. Et d’organiser sa mort. Rien que ça.

Didier, qui n’est pas son demi-frère ( mais qui n’a de toute façon aucun souvenir de ce qui lui est arrivé) l’aide à mettre sur pied son exfiltration. Il sera donc écrasé par le métro. Cette fois. Un exercice qu’ils reproduiront deux fois encore ( Roxane, Anna).

Pour le meilleur et pour le pire… car François qui veut tant disparaître pour préserver l’amour dans les yeux de sa dulcinée malgré sa disparition physique, disparaît littéralement peu à peu…

Au fil des pages et de ses histoires d’amour, il élabore des stratagèmes toujours plus élaborés.

Un roman drôle, très contemporain, rythmé et bien mené.

François Szabowski est un écrivain né en 1977. Il a notamment publié aux éditions Les Forges de Vulcain : « Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent «  ; « Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du coeur « ; « Les majorettes, elles, savent parler d’amour « ; « Il faut croire en ses chances ; La famille est une peine de prison à perpétuité et autres proverbes ».

Extraits

Page 8 : « Je me suis effondré sur l’oreiller, effaré. J’étais enfin parfaitement heureux. C’était horrible. L’homme est en effet une machine merveilleuse, capable de passer une existence entière les pieds dans la crotte un sourire béat aux lèvres. Il peut vivre partout. Dans des taudis. Dans des déserts. à Beauvais. Tant qu’il a l’impression que le monde où il vit est le seul qui existe. Mais dès qu’on lui fait goûter autre chose, il ne peut plus revenir en arrière. J’ai alors réalisé que nous ne pourrions pas aller plus loin. Que nous étions arrivés au sommet. Qu’inexorablement, notre amour ne pouvait plus désormais que décliner. Et que je ne le supporterais pas. »

Page 38 :« J’ai reposé les jumelles sur le guéridon. Mon visage ruisselait de larmes. Je suis tombé à genoux, et je me suis mis à sangloter de joie, en voyant défiler devant mes yeux ce qu’allait être la vie de Marie après ma disparition. Ce manque poignant qu’elle allait ressentir au quotidien pendant les premiers mois, ponctué d’atroces moments de détresse, quand elle repasserait par les lieux, les cafés, bancs, squares et rues où nous avions vécus ; dans cette ville qui, sans moi, ne ressemblerait plus qu’à un décor en carton-pâte. Cette effroyable sensation de vide qui allait trouer sa vie. L’incurable mélancolie qui allait peu à peu la remplacer. Ce regard vague, qu’elle aurait en soirée au milieu des rires de ses amis. Et même, après quelques années, cette tristesse soudaine qui lui sauterait encore à la gorge, en pleine joie, et l’obligerait à aller s’isoler sur le balcon pour fumer une cigarette. Des garçons viendront la rejoindre, et chercheront à profiter de cette solitude pour essayer de l’entreprendre. Et elle les enverra paître, sèchement. »

Page 121 :« Je me suis arrêté un peu plus loin sur la rue Saint-Martin. Je suis resté planté sur le trottoir, vers le croisement avec la rue aux ours, et j’ai contemplé cette vie incessante autour de moi, tout ce monde dont je ne faisais plus partie. Pour tous ces gens, ici, à Paris, et aussi sans doute les milliards d’autres être humains qui peuplaient la Terre, je n’existais pas. Ils ne me voyaient pas. A part si je les touchais, apparemment. Même si le processus avait dû être progressif, j’ai eu une impression étrange en pensant que cela faisait plusieurs semaines que les gens ne me voyaient pas, que pour eux je n’existais pas, et que je ne m’en étais pas rendu compte. Je n’avais pas vu la différence. Tout ça m’avait paru normal, à quelques bizarreries près. « 

« L’amour est une maladie ordinaire », François Szabowski, Le Tripode, 17€.

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