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Sélection prix Roblès 2014

Dernière minute : le prix Roblès 2014 a été attribué à Nicolas Clément ce vendredi 13 juin pour son premier roman « Sauf les fleurs ». Bravo !

SAUF LES FLEURSSoixante-quinze pages. Pas une de plus. Nicolas Clément signe avec « Sauf les fleurs » un roman percutant et terriblement bien construit, dans lequel la langue, poétique, met des mots sur des horreurs. Chaque mot compte. Et tous pèsent  lourd.

Ce roman fait partie de la sélection pour le prix Roblès 2104, qui sera décerné en juin, à Blois. Retrouvez la sélection ici.

Un premier roman prometteur, écrit par cet agrégé de philosophie de 44 ans. L’histoire ? C’est celle de Marthe, la narratrice. On suit la jeune fille puis la jeune femme de l’âge de 12 ans à celui de 20 ans.

Dans une ferme isolée, il y a plusieurs décennies, elle vit avec son petit frère Léonce, sa mère Andrée et son père, violent et taiseux, Paul. Chez les Reynaud, on chérit les bêtes, mais on ne câline pas les êtres. Andrée meurt sous les coups de son mari bourreau. Marthe tente de s’en sortir, fait des études, tombe amoureuse, s’en va pour Baltimore, plonge dans les mots d’Eschyle ( le plus ancien des trois tragiques grecs, auteur de 90 tragédies et de 20 drames satyriques) qu’elle traduit… jusqu’à la reconstitution. Jusqu’à la violence qui remonte, l’impossible pardon qui étouffe et la vengeance qui éclate. Alors Marthe raconte pour que Léonce puisse comprendre. Et avancer.

 

Dans cette vidéo, Nicolas Clément raconte la construction de son roman

Extraits

Page 13 :« J’aide Maman à brosser les bêtes. Au village, ils croient que nous travaillons tristement, que l’odeur nous punit ou que les sabots nous cabossent. Ils se trompent ; les bêtes nous sauvent. Notre famille a fondu depuis longtemps, mais elle existe encore en lettres, sur l’étiquette du journal, le relevé des compteurs. Depuis des lustres, Papa ne prononce plus nos prénoms, se jette sur le verbe, phrases courtes sans adjectif, sans complément, seulement des ordres et des martinets. Dans mon dictionnaire, je cherche la langue de Papa, comment la déminer, où trouver la sonnette pour appeler. Mais la langue de Papa n’existe qu’à la ferme, hélas. Il nous conjugue et nous accorde comme il veut. Il est notre langue étrangère, un mot, un poing, puis retour à la ligne jusqu’à la prochaine claque. »

Page 42 : « Pour me rendre à Baltimore, partir d’ici me coûtera un baccalauréat, un coeur, une vie dans l’herbe sous des bêtes en collier dont le lait fut la chaleur de mes os et le souffle, l’heure de mes siestes. Je ne redoute ni d’être heureuse loin de la ferme, ni de bâtir sur une ville étrangère le sort sacré que le temps me doit. Ne plus scruter le visage de Maman pour voir passer la pilule ne me fait pas peur non plus, car ces pétales en miettes portent, à leur façon, le grand monde déçu que je chercher. Mais laisser mon frère seul avec notre histoire me terrifie et je m’en veux de ne songer qu’aux larmes claires venues des choses. Je voudrais tant me tromper d’épaules. Le gris serait comme avant : la craie pour espérer, la terre pour recouvrir la craie. »

Page 63 :« Je voulais une mère avec des épaules pour poser mes joues brûlantes. Je voulais un père avec une voix pour m’interdire de faire des grimaces à table. Je voulais un chien avec un passé de chat pour ne pas oublier qui j’étais. Je voulais un professeur pour me surprendre. Je voulais des livres pour construire une cabane à la cime des arbres. Je voulais être un homme pour sentir ce que ça fait d’être une histoire. Je n’ai pas eu tout ce que je voulais mais je suis là, avec mes zéros, ma vie soldée du jour qui vaut bien ma vie absente d’avant. Je tombe rond ; mon compte est bon. »

Mon avis

J’ai beaucoup aimé (vraiment beaucoup !) le style de Nicolas Clément. Cette langue simple mais qui fait mouche. Les images de Marthe, ses rêves aussi. Je reste admirative devant la concision et la force de ce roman court mais si puissant. Marthe avait les études, l’amour et Eschyle pour s’en sortir. Tous ses efforts sont anéantis en quelques minutes. Le destin de Marthe croise celui de la justice. Et les fleurs n’y pourront rien. A lire absolument !

« Sauf les fleurs », de Nicolas Clément, collection Qui vive chez Buchet-Chastel, 9€.

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