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Avoir le pouvoir d’influencer ses proches alors que vous vous promenez malgré vous dans le temps. Voilà un début d’histoire alléchant. Andrew Sean Greer, lui, en a fait un roman. L’une des jolies découvertes de la rentrée littéraire de janvier dernier. Avec « Les vies parallèles de Greta Wells », il signe aux Editions de l’Olivier, un roman suprenant. Et plein d’amour d’une femme pour un homme, et aussi pour son frère. Au point de vouloir guider leurs vies…

 

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L’auteur, Andrew Sean Greer est un homme de 45 ans qui vit à San Francisco. Il a commencé très tôt à écrire. Auteur de nouvelles, il est aussi romancier. Son roman « L’histoire d’un mariage », publié en 2009, l’an fait plus particulièrement connaître.

L’histoire de « Les vies parallèles de Greta Wells » ? C’est celle de Greta. Nous sommes en 1985, cette femme, photographe, vient de perdre Felix son frère jumeau, mort du sida. Greta se fait également quitter par son compagnon, Nathan. Elle sombre dans la dépression. Un traitement par électrochocs est alors en vogue. La jeune femme s’y résout. Tant pis pour les effets secondaires !

Chez elle, ils seront étranges, dérangeants… et la feront voyager dans ses autres vies, en 1918 et en 1941. Des vies parallèles, les siennes. Dans lesquelles, elle retrouve son compagnon (devenu son mari. Si a une époque, c’est lui qui la trompe, c’est l’inverse à une autre), son frère qui tente de vivre son homosexualité, et sa tante Ruth qui, en 1985, se fait la confidente ses histoires de Greta et de ses deux clones.

 

 

De séance en séance, les voyages entre 1918, 1941 et 1985 alimentent la vie de Greta. Elle tente de guider, d’aiguiller ses proches puisqu’elle connaît leurs vies parallèles, mais vit-on pareil au coeur des deux premières guerres mondiales comme au milieu des années 80 gangrénées déjà par une effroyable épidémie ? Et les deux autres Greta, celles de 1918 et de 1941, ne vont-elles pas chercher tout autant à interférer dans sa vie de 1985 lors de leurs pérégrinations temporelles ?

Un roman un peu déstabilisant au départ, mais auquel on devient vite addicte. Histoire de savoir dans laquelle de ses vies Greta est la plus épanouie… et la plus utile.

Extraits

Page 53 :

« 1er novembre 1941

Quel curieux sommeil ! A mon réveil, un soleil étincelant. La lumière dansait joyeusement au plafond, le son des cloches refluait au loin. Dans la douceur des draps tièdes, je me sentais reposée comme si j’avais dormi cent ans. Le murmure des voix, le bruit des pas, le craquement du plancher. C’est l’odeur qui m’a alertée avant même que j’ouvre les yeux. Finis, l’éclairage au gaz, la suie et le purin, la cannelle et la violette. Place à la poussière et à l’after-shave. Pourquoi de l’after-shave ? Mes yeux découvraient un décor entièrement différent. Je n’ai pu m’empêcher de sourire. Je ne suis pas de retour, pas encore, ai-je pensé. Je suis de nouveau ailleurs. « 

Page 89 :

« 7 novembre 1985

La lumière qui traversait les stores métalliques et projetait des rayures sur mon corps couché dans le lit aurait dû m’alerter. Pourtant, je me suis réveillée ravie à la pensée des nouveaux miracles que m’avait réservés le docteur Cerletti, allant même jusqu’à appeler Nathan. Mais personne n’est apparu. Le vent soufflait par la fenêtre à guillotine ouverte et faisait tinter les lamelles du store, un son que je ne connaissais que trop. J’ai traversé la gaze des rêves, vu les trois photos abstraites dans leur cadre, les vêtements empilés sur la chaise, et j’ai retrouvé mon ancienne vie prête à me faire la leçon pour avoir osé croire que l’existence était perfectible. Qu’elle pouvait se dérouler ailleurs qu’ici et maintenant. »

Page 257 : « […] Je n’avais que trois mondes possibles, lequel était celui du bonheur ? Tout ce que je voulais, c’était de l’amour. Une chose simple, intemporelle. Quand les hommes cherchent l’amour, ils chantent, ils sourient ou ils paient pour l’obtenir. Et que font les femmes ? Elles choisissent. Et leur existence est frappée comme un médaillon de bronze. Alors, messieurs, dites-moi où et quand il a été facile d’être une femme ? »

Mon avis

Pas sûr que la convulsiothérapie soit la meilleure des manières de guérir la dépression ! En suivant Greta dans ses pérégrinations, on se surprend à penser qu’au-delà de la puissance de son pouvoir, ses voyages lui compliquent sérieusement les vies. Ici mariée et maman ; là seule et abandonnée ou encore amoureuse d’un autre homme que son mari… Un roman qui permet aussi d’appréhender le quotidien américain pendant les deux conflits mondiaux. Dans les années 80, plus de guerre mais un autre fléau, le sida. Un roman atypique. A découvrir… en étant concentré !

« Les vies parallèles de Greta Wells », d’Andrew Sean Greer, Editions de l’Olivier, 22€.

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