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L’automne s’installe. Une bonne saison pour la lecture , non ? Et si vous vous laissiez tenter par « Home », le dixième roman de Toni Morrison ?

photo rfi.fr

 

L’auteure de « Beloved », « Un don » ou encore « Paradis » est de retour avec « Home », court et puissant roman qui nous plonge dans l’Amérique des années 50.

A 81 ans, l’auteure aux dreadlocks et la première femme noire, auteure afro-américaine a avoir obtenu le prix Nobel de littérature, – c’était en 1993 –, explore une fois encore les violences faites aux Noirs aux Etats-Unis, qu’elles soient sociales, politiques et/ou familiales.

 

« Home », c’est l’histoire de Frank et de Cee Money. Un frère et une soirée, devenus adultes dans les années 50 et qui doivent faire avec leurs fantômes, leurs ennuis, leurs peurs… et leur passé.

Frank rentre de la guerre en Corée. Il revient chez lui. Retrouve une Amérique férocement ségrégationniste. Sa soeur l’appelle au secours. Cee a été laissée pour morte par un médecin blanc adepte de l’eugénisme. L’occasion d’un voyage pour Frank. Au milieu des souvenirs.

L’auteure nous plonge dans les souvenirs de Frank Money. Né dans une famille pauvre, il vit à Lotus en Géorgie. Là, il protège sa petite soeur des méchancetés de Lenore, la grand-mère tandis que les parents travaillent aux champs.

Les deux enfants grandissent dans la violence, doivent s’adapter à cette Amérique qui ne les aime pas. Qui ne les regarde pas. La guerre et ses affres, la vie de couple devenue impossible avec Lily, les cauchemars et ce personnage de zazou au costume bleu électrique qui apparaît de temps à autre… voilà l’histoire de Frank qui veut rentrer chez lui. Retrouver ce qu’il lui reste de racines, pour rester en vie.

Au final, une exploration de la violence et du racisme dans les Etats-Unis des années 50. Quand les lois Jim Crow battaient leur plein.

Extraits

Page 59 : « Même lorsque Frank était avec ses amis Mike et Stuff, il laissait Cee venir avec eux. Tous les quatre étaient très unis, comme devrait l’être une famille. […] Quant aux parents, ils étaient tellement épuisés à l’heure où ils rentraient du travail que tout témoignage d’affection était comme un rasoir : coupant, mince et bref. Lenore était la méchante sorcière. Frank et Cee, tels des Hansel et Gretel oubliés, se tenaient fermement par la main et naviguaient à travers ce silence en tentant de s’imaginer un avenir. »

Page 89 : « Lotus, Géorgie, est le pire endroit du monde, pire que n’importe quel champ de bataille. Au moins, sur le champ de bataille, il y a un but, de l’excitation, de l’audace et une chance de gagner en même temps que plusieurs chances de perdre. La mort est une chose sûre, mais la vie est toute aussi certaine. Le problème, c’est qu’on ne peut pas savoir à l’avance.

A Lotus, vous saviez bel et bien à l’avance puisqu’il n’y avait pas d’avenir, rien de que longues heures passées à tuer le temps. Il n’y avait pas d’autre but que de respirer, rien à gagner et, à part la mort silencieuse de quelqu’un d’autre, rien à quoi survivre ni qui vaille la peine qu’on y survive. Sans mes deux amis, j’aurais étouffé vers l’âge de douze ans. C’étaient eux, en plus de ma petite soeur, qui maintenaient à l’arrière-plan l’indifférence des parents et la haine des grands-parents. Personne à Lotus ne savait rien et ne voulait rien apprendre. Pour sûr, Lotus ne ressemblait à aucun endroit où vous voudriez être. »

Page 112-113 : « Il aimait bien Atlanta. Contrairement à Chicago, ici, le rythme de la vie quotidienne était humain. Apparemment, il y avait le temps dans cette ville. Le temps de se rouler une cigarette bien comme il faut, le temps d’observer les légumes avec l’oeil d’un tailleur de diamants. Et le temps, pour les vieillards, de se rassembler devant la vitrine d’un magasin sans rien faire, sinon regarder passer leurs rêves : les splendides voitures des criminels et le déhanchement des femmes. Le temps, aussi, de s’informer les uns les autres, de prier les uns pour les autres et de châtier les enfants sur les bancs d’une centaine d’églises. Ce fut cette tendresse amusée qui conduisit Frank à baisser la garde. Il avait affronté beaucoup de mauvais souvenirs, mais pas de fantômes ni de cauchemars depuis deux jours et il mourait d’envie de café noir le matin, non du coup de fouet que le whisky lui donnait jadis au réveil. »

Mon avis

Premier roman de Toni Morisson qui se retrouve entre mes mains ! Je sais, c’est peut-être une lacune… mais il y a tellement de livres !

« Home » est un roman construit comme un conte. Les deux personnages principaux se comparent à Hansel et Gretel qu’on aurait oubliés là. De méchante sorcière en bonnes fées, ils essayent de s’en tirer. Avec plus ou moins de bonheur. Quête, rédemption, pelèrinage, c’est un peu tout cela à la fois dans un contexte politique et social des plus durs. Toni Morrison maîtrise son sujet et son style. A lire, donc.

« Home » de Toni Morrison, Christian Bourgois éditeur, 17€.

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