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Elle a marqué le cinéma d’avant-garde américain. Elle, c’est Barbara Loden. Une pin-up devenue talentueuse comédienne qui passa même derrière la caméra pour un seul et unique film, «  Wanda« , en 1970. Barbara Loden c’est aussi la deuxième femme d’Elia Kazan et une actrice qui n’aura pas trouvé sa place, née 6 ans après Marylin Monroe. Elle décède à l’âge de 48 ans en 1980.

 

 

Barbara Loden dans le rôle de Wanda

Barbara Loden c’est aussi l’héroine d’un très beau livre, écrit par Nathalie Léger,  » Supplément à la vie de Barbara Loden« , paru chez P.O.L. et lauréat 2012 du Prix du livre Inter.

L’histoire ? Elle est triple. Elle est complexe et très simple à la fois. Au fil des pages, la romancière a fait s’entrecroiser les histoires de trois femmes. Celle de Barbara Loden à travers témoignages et extraits d’interviews notamment ; celle de l’héroïne de son film, Wanda, inspirée par un fait-divers des années 60 et enfin celle de la narratrice ( et de sa mère par intermittence) qui doit justement rédiger une notice sur Barbara Loden. D »archives en rencontres, finira-elle par mieux connaître cette femme énigmatique ?

D’un personnage à l’autre, Nathalie Léger tisse sa toile. Est-ce un roman ? Une biographie ou ce qui pourrait ressembler à une enquête ? C’est tout cela à la fois. Mais aussi le portrait d’une femme mélancolique qui cherche sa place.  Et une réflexion sur le travail de l’écriture.  Bref, un jeu de miroirs passionnant.

 

 

Voici une vidéo pour comprendre la démarche de l’auteure

 

 Extraits

  Page 21 : « […] Je ne devais écrire qu’une notice, mais il fallait pourtant commencer par le commencement et procéder avec méthode pour parvenir sans trop d’encombre à la fin. Notice, ai-je lu, texte bref destiné à présenter sommairement un sujet particulier. Notice, texte descriptif et explicatif. Il suffisait de présenter l’auteur et son oeuvre, Barbara et Wanda. Chaque matin, je m’attaquais à la notice en essayant d’éviter les arrière-pensées ». 

Page 32 : « Le 21 février 1971, Barbara dit au Sunday News : “Je n(étais rien. Je n’avais pas d’amis. Pas de talent. J’étais une ombre. Je n’avais rien appris à l’école. Je savais à peine compter. Et je n’aimais pas le cinéma, ça me faisait peur ces gens si parfaits, ça me rendait encore plus insuffisante ”. »

Page 37 : « Barbara dit qu’elle n’a rien à décrire de grand. Pas de vent de l’Histoire, rien des tumultes politiques, pas de drame social exemplaire. La pauvreté, sans doute, mais même pas la misère. La violence, oui, mais la violence légale, l’ordinaire brutalité des familles. Elle ne dit rien de plus. Son histoire, empêtrée, est sans doute simplement malheureuse du malheur ordinaire des enfants mal aimés, rendus passifs, soumis à plus forts qu’eux, si tristes qu’ils peinent à s’en remettre, son histoire est banale. Barbara ne fait des films que pour çà. Apaiser. Réparer les douleurs, traiter l’humiliation, traiter la peur. “Le caractère de Wanda est fondé sur ma propre vie et sur ma personnalité, et aussi sur ma propre manière manière de comprendre la vie des autres. Je crée chaque chose à partir de mes propres expériences. Tout ce que je fais, c’est moi ”. »

 Page 91 : « Tout ça, je le lis dans le journal. Je lis, comme si j’étais aux côtés de Barbara lorsqu’elle ouvre le journal du 27 mars 1960, je lis le récit de l’agression, la prise en otage du banquier à son domicile, l’attaque foireuse de la banque et la mort du petit voyou, un certain Ansley, je lis surtout que la véritable Wanda s’appelle Alam, Alma Malone de son vrai nom. Elle pourrait être la fille du Malone de Samuel Beckett, celui qui dit en commençant le livre : “Je serai quand même bientôt tout à fait mort ”. “Je serai neutre et inerte. Cela sera facile. ” Alma Malone est née à Abilene. Elle a le même âge que Barbara. Son père était ouvrier métallurgiste. Un père incestueux. Tout ça, je le lis dans le journal. Elle est mariée à quatorze ans – une charge en moins pour sa mère. Très vite, ce premier mari demande le divorce pour désertion, elle était là, Monsieur le juge, mais elle n’était pas là. »

 Mon avis

Cent cinquante pages de bonheur ! Ce livre est une petite merveille de construction, d’écriture. Moi qui ne connaissait pas Barbara Loden, j’ai tout de suite « accroché » à l’histoire de cette femme, moderne, cultivée, battante… mais malheureuse. Au fil du livre, nous suivons son errance. Le tout, agrémenté d’extraits d’interviews, de citations en anglais dans le texte, etc. Un régal ! Et de quoi prolonger un peu la vie de Barbara Loden… 

« Supplément à la vie de Barbara Loden », de Nathalie Léger, P.O.L., 14€.

 

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