Flux pour
Articles
Commentaires

9782743650148

Sélection Roblès 2021

Quelle histoire ! Pourtant sur le papier, rien qui ne m’attire au premier abord : l’histoire n’est pas contemporaine, en plus, elle est lointaine. Bref. Il suffisait pourtant de se lancer embarquer sur le vraquier au coeur de cette histoire. A partir de là, les intrigues se découvrent, se mêlent, le tout sur fond de brouillard et d’odeur de fiente… Oui, le guano est un des personnages de ce roman à l’atmosphère sombre. Et pour cause, à cette époque, pour une raison qui reste mystérieuse, sur le littoral chilien, le soleil ne brille de mille feux qu’à peine deux heures par jour… Tout est humide et sent le renfermé.

L’histoire ? Oui, venons-y. Edouard Jousselin, jeune auteur trentenaire, né à Montargis, nous présente d’emblée à Joseph et Vald. Le premier n’a vraiment pas le pied marin, vomit tandis que son ami d’enfance tente de trouver une solution. Ils viennent de fuir. Sans savoir, sans s’être dit la vérité non plus.

« On devrait sans doute moins penser comme des naufragés, nous sommes des marins, des aventuriers », dit Vald. Et pourtant. Un premier chapitre qui s’ouvre la fin de l’histoire. Alors rembobinons.

 

Il y a le capitaine Moustache. Lui, ancien acteur de la lutte pour la l’indépendance, est aujourd’hui un homme redouté, craint. Il est seul à pouvoir rallier les îles du Pacifique du sud de l’Amérique latine dans le brouillard permanent pour transporter l’or local, le guano. Un homme qui voulait être riche, qui s’est accoquiné avec Riffi pour profiter du monopole et mettre les trois familles régnantes à ses pieds. Là, Riffi le double. Fomente des attentats pour détourner l’attention. De quoi alimenter cette fable épique sur fond de révolution ratée.

Entre les villes de Libertad et Agouto, la jalousie est grande. Les deux maires respectifs, personnages atypiques et ennemis ont trouvé en Moustache un ami, un allié. Au fil des pages, chacun rêve d’écrire son histoire dans cette brume asphyxiante. Qui a révéler le monstre qui sommeille en lui. Un livre d’hommes dans lequel les femmes sont sacrifiées par la vanité de ces derniers.

Un roman captivant. Une fable épique et romanesque.

 Extraits

Page 48 :« La jeunesse à laquelle il appartenait avait grandi avec des ombres, des silhouettes floues, des formes altérées et des tons flétris. Elle faisait preuve d’une moindre imagination, s’abêtissait à perforer des carapaces de crustacés, cheminait à rebours le sentier de l’intelligence humaine. A terme, il n’était pas difficile de s’en convaincre, les hommes de cette région deviendraient des cafards, terrés dans leurs trous froids et humides, le ventre couvert de boue, la tête rentrée dans une coquille brune, diffusant l’odeur tenace du guano. »

Page 84 :« Quand l’air se chargea d’eau, au début des années 1880? Jojo, José, toutes les personnes que Moustache avait fréquentées et appréciées jadis, commencèrent de lui faire de longues leçons à propos de sa situation, du fait qu’il s’en tirait très bien malgré la brume, qu’il enrichissait aux dépens de tous, à cause d’un fléau. Au début, Ernesto culpabilisa, jura ne désirer rien de plus que l’évanouissement du voile, proposa de rendre des services, ce qu’il fit, d’ailleurs. Mais les aigreurs s’accentuèrent. On l’affubla de sobriquets L’ami du brouillard, le fils de la brume, le disciple de la nuit opaque. Blessé, il devint plus solitaire, de moins en moins enjoué à l’idée d’accoster, de retrouver ses détracteurs impatients de charger son guano et de décharger leurs reproches. »

Page 286 :« […] Il fallait oublier, comment faire ? Faire le vide. Se remplir le ventre de grillades. Regarder la brume s’assombrir peu à peu et le port s’éteindre progressivement telle la lumière dans les yeux d’un vieillard qui se meurt. Faire le vide. Ne plus penser. Les réserves de guano ? Elles sont nécessaires. Faire le vide. Juan José en prison par sa faute. S’allonger. Jojo et José qui préparent déjà leurs armées pour se détruire l’un l’autre. Fermer les yeux. Le jour qui décline, calme et serein comme un lac gelé, sans vent, sans pluie. Lady Sue, éclatée. Faire le vide. Lady Sue qui m’aimait. Lady Sue, l’innocente.  Inspirer. Juan José. Expirer. S’endormir. »

« Les cormorans », Edouard Jousselin, Rivages. 

 

Laisser un commentaire

*