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ELLE LA MERE

Rentrée littéraire 2021

Un premier roman. Oui, je sais, on pourrait croire que je n’aime que ça ! Non, mais j’avoue lui vouer un intérêt très particulier. Parce qu’un premier roman est pour mois synonyme d’énergie, de libération, d’aboutissement et de commencement en même temps. C’est encore le cas avec « Elle, la mère ». 

Là, Emmanuel Chaussade, qui a été successivement créateur de haute-couture, directeur artistique et commissaire d’exposition, livre un texte sensible et cru. Violent et doux. Il donne de la voix au narrateur, Gabriel, troisième et dernier fils d’une femme dont on ne saura jamais le prénom. Le mince roman s’ouvre sur les obsèques de cette dernière, auxquelles il assiste seul.

L’occasion de raconter la vie, par bouts, par bribes, en mélangeant les périodes et les humeurs.

Cette femme, qui avait épousé un bourgeois qui l’a engrossée alors qu’elle n’a que 18 ans, a grandi dans une famille pauvre et dysfonctionnelle. Sa belle-famille ne sera ni aimante, ni  protectrice. Son beau-père entretient des relations interlopes avec des jeunes filles, son mari malhonnête couche avec plusieurs de ses soeurs… Elle, a fini par perdre de vue son prince charmant. Et devient une mère qui aime mal, qui aime trop… Qui bafoue même le dernier tabou qui puisse lier une mère à son fils.

Là, dans un milieu bourgeois, aisé, elle compulse ses illusions perdues. Une « Mater dolorosa » ? Gabriel n’élude rien. Sans pour autant l’absoudre. Un portrait en creux, cru et douloureux de cette « Emma Bovary du pauvre ».

Extraits

Page 23 :« […] Et lui, a-t-il aimé la mère ? Oui, il l’a aimée, puis il ne l’a plus aimée. Il l’a même détestée. Mépris silencieux. Vengeance sans paroles. La mère cache sa peine d’être abandonnée par le fils. La mère l’ignore pour qu’il revienne Le fils souffre de ce désamour qu’il s’est imposé. Petit à petit, tout doucement, très lentement, il fait machine arrière. Il réapprend à aimer la mère. Aimer sans plus, aimer sans moins. Aimer tout simplement. Aimer sans jugement aucun. Amour égoïste. Aucun gagnant, aucun perdant. Aimer pour être libre, tout simplement. »

Page 33 :« […] Elle n’en a jamais voulu à cet homme pervers et alcoolique. Souvenirs pleins de tendresse. Elle en parle avec ce sourire de l’innocence des enfants qui désespèrent d’être aimés. Il lui portait l’attention qui lui manquait tant. Elle s’est trompée, en prenant son intérêt pour de l’amour. Ces abus dont elle a été victime l’ont empêchée d’aimer et de s’aimer. C’est une des choses qu’elle a en commun avec son mari. Lui aussi est incapable d’aimer et de s’aimer. Cette impossibilité d’aimer les a reliés. »

Page 78 :« […] Non, il n’est pas un homme, il vient d’avoir six ans. 

Violence extrême. Mère violeuse. Petite fille abusée, petite fille abandonnée. Mère qui abuse. Appel à l’aide désespéré, après avoir compris qu’elle ne vivait pas un conte de fées. Pulsion criminelle, après s’être rendu compte qu’elle n’était pas mariée au prince charmant. Femme trompée. La mère se trompe et se retourne contre le fils. Coup de folie. Amour désespéré. Femme sous dépendance de l’amour et de la haine, envers l’autre, envers elle-même ». 

« Elle, la mère », Emmanuel Chaussade, Les Editions de Minuit, 12€. 

 

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