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cvt_Faillir-etre-flingue_3956Voilà un livre à côté duquel je suis totalement passée à la rentrée dernière. En même temps, avec les quelques centaines de romans qui débarquent sur les tables des libraires concomitamment, l’erreur , l’impasse est possible. Et elle permet, un prix du Livre Inter plus tard, par exemple, de redonner une deuxième vie à un roman et de le faire savoir. C’est le cas de « Faillir être flingué », de Céline Minard.

Voilà un roman assez atypique qui devrait vous ravir sur la plage, dans le hamac… ou à la pause-déjeuner… en attendant les nouveautés de la rentrée, dont j’ai pu lire quelques opus déjà ( à suivre très vite sur le blog).

Céline Minard est l’auteur de plusieurs romans (7 au total, dont « Le Dernier Monde » (2007), « Bastard Battle » (2008), et « So long, Luise » (2011). Autant d’univers différents qui permettent à l’auteure d’explorer l’art de l’écriture et sa propre imagination. Céline Minard est considérée aujourd’hui comme l’une des voix les plus originales de la littérature contemporaine. Elle travaille, en parallèle, avec la plasticienne Scomparo et a été pensionnaire de la Villa Medicis en 2007 et 2008.

En juin, Céline Minard était lauréate du 40e  Prix du livre Inter. Et poursuit sa route, pleine de bifurcations et d’inflexions.

L’histoire ? Elle est chorale. De nombreux personnages ponctuent ce récit. Aucun d’entre eux ne prend le dessus. On les suit individuellement avant que la deuxième partie du livre ne les réunisse dans une ville qui se construit et dont on ne saura jamais le nom.

Nous sommes en Amérique. Plongés dans une ambiance western avec des pionniers, une indienne aux pouvoirs chamaniques, des aventuriers, des voleurs de chevaux, des danseuses de saloon, des marchands, des Indiens guerriers, etc. Le tout se déroule dans un décor fait de grandes plaines, de rivières et de caillasses. A l’Ouest. Un personnage à part entière.

Au final, tout cela donne un western drôle et tragique à la fois qui, une fois qu’on a identifié tous les personnages, devient vite jouissif. On suit ainsi Jeff et son frère Brad qui voyagent avec leur mère mourante, et le fils de l’un d’eux, Josh. Sans oublier cette petite Chinoise qui comprend le chant du coyote. On y côtoie Zébulon, jamais à court d’idées pour se faire de l’argent et mettre de la distance entre lui et son père. Bird Boisverd n’est pas loin, lui qui poursuit Elie pour une histoire de bottes. S’y ajoutent Arcadia la contrebassiste, Sally la patronne du saloon, Eau-qui-court-sur-la-plaine, une Indienne aux pouvoirs magiques, l’affreux Quibble… et la mort qui, sous différentes formes, n’est jamais loin.

Extraits

Page 44 : « Eau-qui-court-sur-la-plaine n’avait pas de peuple, elle en avait plusieurs.

Son savoir était demandé et recommandé par tous ceux qui portaient des os d’aigle creux, des plumes magiques ou des concentrés de médecine dans des bourses de peau. Son état de femme sans peuple la faisait à la fois craindre et désirer. Son pouvoir, depuis la mort violente des siens, avait décuplé. Elle voyait plus loin, elle soignait mieux, elle pouvait tuer sur trois points. De la destruction de son village et de ses fuyards les plus habilement cachés, il y avait plusieurs versions. Dans certaines, son rôle ne comptait pas pour rien. Le feu, l’eau, la poudre et la foudre avaient participé à la disparition totale de son clan. Et on disait que maintenant, elle maîtrisait ces éléments mieux que personne. Il est vrai qu’elle tirait précisément et sans hésitation et qu’elle savait recharger toutes sorte d’armes, y compris par la gueule, à une vitesse incroyable. »

Page 79 : « Lorsque Elie eut juré, sacré, craché par terre et grogné tout son saoul, il se résigna à son sort qui n’était que justice puisqu’il avait oublié le seul principe valable en ce monde, acquis dans les bars les plus fameux : on peut tout perdre au jeu sauf son cheval. Parce qu’il faut tout de même une monture pour détaler d’un saloon à la vitesse généralement requise à ce stade de la partie. »

Comme il avait compris qu’il devait abandonner sa monture dans les montagnes s’il voulait sauver sa peau et se tirer des pattes de Quibble, il aurait dû se souvenir de ce premier principe quand il était près du feu avec ce type taciturne assis sur ses sacoches, qu’il soupçonnait d’avoir un tour de main un peu particulier avec ses dés ou des dés un peu particuliers, il n’arrivait pas à se décider. Qu’il soupçonnait en tout cas, le plus sérieusement du monde. »

Page 155  : « Baguette-de-crin-noir ne voulait pas de chien bouilli. Il n’avait plus faim. Il pleuvait depuis trois jours et tout le monde mangeait depuis qu’il pleuvait. Il n’en pouvait plus. Les Pawnees s’étaient vite remis du raid lancé contre eux par leurs ennemis. Ils avaient fait une bonne chasse depuis. Beaucoup de bisons femelles avaient été tués, les femmes avaient pu confectionner de nouvelles tentes et faire sécher une quantité de viande qui leur permettrait de passer plusieurs lunes. Baguette-de-crin-noir avait joué un rôle important, il avait donc été invité dans toutes les tentes. Il avait mangé dans chacune pour ne blesser personne. Son ventre était tendu comme un tambour et les Indiens continuaient de lui apporter des petits bols remplis à ras bord, pour le plaisir de le voir secouer la tête en tapant sur sa ceinture où pendait le scalp de Piquet-de-tente et l’archet d’Arcadia auquel il devait son nom. »

Mon avis

Pas banal pour un auteur française de plonger ses lecteurs dans une ambiance western ! Au final, on y croit et on suit les personnages jusqu’au bout. A dévorer cet été !

« Faillir être flingué », de Céline Minard, Rivages, 20€.

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