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Roblès 2013

Où en êtes-vous dans la lecture des six premiers romans sélectionnés pour le Roblès 2013 ? Je viens de finir « Sauver Mozart », de Raphaël Jerusalmy. Encore une bonne surprise.

MOZART

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Raphaël Jerusalmy, a déjà écrit deux ouvrages mais pas de roman. Diplômé de l’Ecole Normale Supérieure et de la Sorbonne, ce dernier a fait une carrière au sein des services de renseignements militaires israéliens. Aujourd’hui, il est marchand de livres anciens en Israël.

Pour « Sauver Mozart », Raphaël Jerusalmy a obtenu le Prix littéraire de l’Ecole normale supérieure de Cachan 2013.

 

L’histoire de ce court romande 149 pages publié chez Actes Sud ? C’est celle de Otto. J.Steiner. Critique musical installé à Salzbourg, en Autriche, Otto est vieux et malade. Il vit dans un sanatorium. Nous sommes au lendemain de l’Anschluss, à l’été 1939.

Otto est juif, seul, tuberculeux. Il tient un journal qu’il espère pouvoir remettre à son fils, parti. Il n’aime que la musique et tente de s’y réfugier alors que la guerre, les privations et la culture hitlérienne s’installent.

De juillet 1939 à août 1940, d’un festival de musique dédié à Mozart à un autre, nous suivons la vie d’Otto qui, bien que malade, veut rester debout. Digne. Patiemment, ce dernier va d’ailleurs orchestrer la vengeance de la musique contre l’Histoire. Avec plus ou moins de succès tandis que son quotidien se dégrade. Faim, froid, trahisons et autres petites lâchetés.

Pour aller plus loin, voici l’article consacré à un documentaire diffusé sur France 5. On y parle de résistance à l’opéra Garnier. Le lien est ici.

Extraits

Pages 46-47 :

« Lundi 29 janvier 1940

Cloué au lit depuis hier. Le gardien de nuit m’a ramassé dans la cour. Tout gelé. Samedi a été très dur. Dès le réveil, j’ai senti que ça n’allait pas. Gorge sèche, grelottements, maux de poitrine, de dos, crampes, nausée. Je n’ai rien voulu dire. De dessous les draps, j’ai vu les autres comme dans un brouillard. On aurait dit des ombres chinoises. Je n’arrivais plus à respirer, comme quelqu’un qui se noie. Günter m’a apporté de l’eau. De l’eau, à un noyé ? 

La nuit, encore pire. Poussée de fièvre, diarrhée. Honte. Colère. Lorsque les autres se sont enfin endormis, je me suis traîné jusqu’à la cour et je me suis étendu dans la neige. J’ai regardé les branches des arbres, le ciel d’où tombait un rayon de lune.

Ce suicide, ça m’a fait du bien ».

Page 53 : « Je comprends le désarroi de Hans. Cette ingérence des nazis dans le programme du Festspiele est inadmissible. Révoltante. Faire du festival un vulgaire outil de propagande, un amusement troupier, c’est un comble. Prendre Mozart en otage. L’avilir ainsi. N’y a-t-il donc personne pour empêcher un tel outrage ?

Cette fois-ci, ils dépassent les bornes ! On ne peut tout de même pas les laisser faire une chose pareille. Sans s’insurger, sans réagir. Il faut mettre fin à cette mascarade. A tout prix. Il faut sauver Mozart ! « 

 Pages 102-103 : « Ce matin, Stephan nous a annoncé que l’enquête était terminée et que nous pouvions descendre à la cantine. Tout le monde cherchait à savoir ce qui s’était passé. L’intendant est entré, suivi du personnel. Il nous a informés que le docteur Müller avait été arrêté sur dénonciation du précédent concierge. Pour trafic de drogue. Müller revendait nos médicaments à une bande de malfrats. Au marché noir. Nous étions traités à l’aspirine, en cachet ou en poudre, et au paracétamol dilué dans de l’eau, pour les piqûres. D’où la statistique. 

Dans l’armoire de pharmacie, il n’y avait rien que des concoctions improvisées. Du sucre, des farines, des sirops de fruits, des colorants de teinturerie. Et même de la térébenthine. Rien qui puisse nous guérir. Ni tuer Hitler. « 

 Mon avis

Un texte ironique et cruel. Un régal que ce premier roman qui nous entraîne dans la vie de ce critique tuberculeux qui se lance dans un attentat musical. Le texte, sous forme de journal, se lit d’une traite. Pas question pour lui que les marches militaires remplacent l’oeuvre de Mozar ! Otto se bat contre plus fort que lui avec sa seule passion comme arme. L’humour est grinçant, la gravité, elle, se fait malicieuse. A découvrir.

« Sauver Mozart », de Raphaël Jerusalmy, Actes Sud, 17,10€.

 

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