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Rentrée littéraire

ANGOTSon livre fait désormais partie de la première sélection du prix Goncourt. Et n’en finit pas de faire parler de lui pour ses qualités littéraires.

Pas de doute, Christine Angot est l’un des auteurs les plus en vue de cette rentrée  !  Avec « Un amour impossible », elle évoque la rencontre de ses parents, son enfance auprès d’une mère célibataire, son père incestueux et explique pourquoi l’amour aura été si compliqué, voire impossible, à faire vivre au sein de ce triangle. Un roman bouleversant. Puissant.

 

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Photo Jean-Luc Bertini (Flammarion)

 

Christine Angot, née Christine Schwartz, est un auteur français. Sa biographie est ici.

 

 

 

 

L’histoire ? C’est celle de la petite Christine. Née en 1959 à Châteauroux, d’une mère juive travaillait à la Sécurité sociale et d’un père traducteur à la base américaine. Deux milieux sociaux diamétralement opposés. Rachel et Pierre vont pourtant s’aimer. Pas question cependant pour ce bourgeois d’épouser Rachel, d’une extraction bien inférieure. Des années plus tard, il épousera une Allemande.

Pas de mariage donc, mais une enfant. A qui il finira ( Rachel ne lâchera rien) par donner son nom alors qu’elle est adolescente. Christine Angot est née. Et il commencera à la détruire par l’inceste. Rachel, elle, l’apprendra que plus tard, par un ami. Elle n’a rien vu. Rien compris.

L’amour inconditionnel de l’enfant a laissé la place au ressentiment de l’adulte. Pour l’auteure, c’est sûr, son père a usé de cet affreux moyen pour faire preuve de domination sociale.

Pas de mariage donc, mais des lettres qui soufflent le chaud et le froid au fil des années. Rachel s’y accroche. Christine en souffre.

Après avoir abordé le sujet de l’inceste et de son père (mort en 1999) dans deux autres romans, Christine Angot évoque pour la première fois la figure de sa mère. A la fois forte et si vulnérable. Au fil de ce roman, elle décortique l’amour maternel, le pousse dans ses retranchements, teste sa résistance…

Extraits

Page 62 :« Presque toutes les femmes s’arrêtaient de travailler au mariage, ou à la naissance de leur premier enfant. Le soir, elles étaient à la sortie des classes. Ma mère était une des rares qui n’y étaient pas, elle sortait du bureau trop tard. Je rentrais à la maison toute seule, par une petite ruelle à droite en sortant de l’école. Puis je prenais la descente des Cordeliers, une rue pavée qui descendait, tournait et croisait la rue de l’Indre. Au croisement, je m’arrêtais. Je m’installais à l’angle. Je jouais avec des limaces, je décollais les escargots, qui faisaient ventouse sur le pavé, accroupie, attentive, absorbée par ce que je faisais, sous une petite pluie fine. Et je repartais. Je contemplais à mes pieds du haut de ma taille les chaussures vernies noires qu’elle m’avait achetées. Je descendais la rue de l’Indre jusqu’au 36, je passais sous le porche, et j’entrais dans le chemin. »

Page 176 : « Dans les années qui ont suivi, j’ai commencé à lui attribuer mes échecs. Je l’accusais de ne pas s’être remise en question, de n’être restée en analyse que trois ans, d’avoir trouvé en mon père un coupable facile, de ne pas avoir réfléchi à sa propre responsabilité dans ce qui m’était arrivé. Je lui conseillais de ne pas s’étonner, par conséquent, de la difficulté dans laquelle sombrait notre relation. Je lui disais que j’étais la victime  de leur égoïsme à tous les deux. Qu’ils étaient pareils sur ce plan-là. Uniquement préoccupés de leur regard l’un sur l’autre. Que la fameuse photo prise dans la campagne, dans la même position, en appui sur le même poteau, en témoignait. Qu’ils s’étaient pris chacun comme le miroir de l’autre. Que j’avais été sacrifiée à ça. »

Page 203 :« […] C’est une vaste entreprise de rejet. Social, pensé, voulu. Organisé. Et admis. Par tout le monde. Toute cette histoire, c’est ça. Et jusqu’à la fin. Y compris avec ce qu’il m’a fait à moi. C’est quelque chose qu’il t’a fait à toi aussi, avant tout. C’est la continuation de ce rejet. Pour humilier quelqu’un, le mieux c’est de lui faire honte, tu le sais. Et qu’est-ce qui pouvait te rendre plus honteuse que ça, que de devenir, en plus de tout le reste, alors même que tu pensais être sortie du tunnel, la mère d’une fille à qui son père fait ça ? Tu as été rejetée en raison de ton identité maman. Pas en raison de l’être humain que tu étais. Pas de qui tu étais toi. Pas de la personne que tu étais. Et ce rejet allait jusqu’à faire ça à ta fille. C’a été jusque-là. C’a été loin. Tout ça s’inscrivait dans une même logique. Et il a fallu que la logique soit poussée jusqu’au bout. Puisque que tu as essayé de la contrer. Tu ne devais pas sortir de ton tunnel. Tu pouvais juste rêver d’en sortir. Quelqu’un comme toi devait rester dans la voie sans issue. A l’intérieur du tunnel, là où on voit rien justement. »

Je ne connaissais pas les écrits de Christine Angot, coupée dans mon éventuel élan par la personnalité cassante et froide de l’auteure qui avait fait de l’auto-fiction sa marque de fabrique. L’histoire d’un « Amour impossible » m’a fait changé d’avis. Une histoire forte. Une écriture qui va droit au but. Un roman important.

« Un amour impossible », Christine Angot, Flammarion, 18€

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